Texte inédit, écrit en novembre 2009 d'après une consigne et une image proposés par le blog collectif "La Petite fabrique d'écriture", qui soumettait régulièrement à nos plumes des invitations à la création littéraire. J'étais très loin, alors, d'imaginer à quel point ma "fiction" serait d'actualité aujourd'hui...
"Deux personnages assis sur une branche. Que peuvent-ils bien se raconter ?..." |
" Tu te souviens quand il y avait des feuilles ? - Un peu... Elles changeaient de couleur au fil des mois. Elles tombaient. Puis elles renaissaient. - Ca avait un nom, attends... Ca s'appelait.... - ..."les saisons". - Tu te souviens quand il y avait des oiseaux avec nous sous les feuilles ? - Vaguement.... Ils sautillaient de branche en branche. Ca nous faisait rire et nous balancer. - Ca aussi ça portait un nom. - Oui. - C'était... -... "l'insouciance". - Tu te souviens quand il y avait un sol ? Pour nourrir les oiseaux ? Pour se poser ? Pour tenir debout dessus ? - Ca, alors, je ne m'en souviens plus du tout. Ca fait trop longtemps que nous ne l'avons pas touché. D'ailleurs, est-ce qu'il existe encore ?... - Pas sûr... et si oui, dans quel état... si c'est comme ici... - Ca portait un nom, dis, c'était quoi déjà ? - La mer ? La terre ? Ma merterre ? La terremer ?... Je ne retrouve pas, je ne sais plus. - Tu te souviens du grand éclair blanc qui a tout balayé ? - C'est la seule chose dont je me souviens vraiment, et c'est celle que je voudrais le plus oublier. - C'était violent. - C'était brutal. - C'était aveuglant. - C'était glacial. - C'était brûlant. - C'était mortel. - C'était pétrifiant. - C'était fatal. - C'était... la fin de l'ancien monde. - Complètement détraqué. Ca nous pendait au nez, faut dire... - Dire qu'on parlait de réchauffement du climat, et que c'est par le froid que tout est arrivé. - Ca s'appelait... ça s'appelait... mais comment ça s'appelait, déjà ? - L'inconscience, peut-être. Ou bien l'égoïsme. Mais dire "l'inconscience", c'est juste un tout petit peu moins triste... - Tu crois qu'on s'en remettra, un jour ? Qu'on pourra bouger de nouveau ? Même juste le petit doigt ? -Je préfère ne pas y penser. Notre être se durcit chaque jour un peu plus. Tu as remarqué? Peut-être que même notre esprit va finir par se figer, et qu'on ne pourra même plus se parler en pensée... - Et alors ? - Alors ? On n'aura eu que ce qu'on mérite. On n'avait qu'à apprendre à s'en servir avant. " |