Lettre à ma fille
Ajusté ce voile sur tes cheveux, qui devra tenir jusqu'à ce soir
Tu m'as dit au revoir d'un regard, avant de quitter la maison
Le bus t'emmène à la fac, où tu te construis un horizon
Réalisant la joie immense de te voir vivre sous mon toit
C'est vrai, je ne te l'ai jamais dit, ni trop fort, ni tout bas
Mais tu sais ma fille chez nous, il y a des choses qu'on ne dit pas
À perpétuer les règles, à respecter la tradition
Comme l'ont faits mes parents, crois moi sans riposter
Comme le font tous ces hommes que je croise à la mosquée
Mais était-ce pour ton bien? Ou pour faire comme les autres?
Tous ces doutes qui apparaissent et cette question affreuse
C'est moi qui t'ai élevée, mais es-tu seulement heureuse ?
Tu rentres tout d'suite après l'école et ne sors jamais le samedi
Mais plus ça va et moins j'arrive à effacer cette pensée
"Tu songes à quoi dans ta chambre, quand tes amis vont danser?"
Mais a-t-on vu assez souvent un vrai sourire sur tes lèvres?
Tout ça j'me le demande, mais jamais en face de toi
Tu sais ma fille chez nous, il y a des choses qu'on ne dit pas
Si pour un temps on oubliait ces convenances qui nous pèsent?
Si pour une fois tu avais le droit de faire ce que tu veux
Si pour une fois tu allais danser en lâchant tes cheveux
Je veux qu'tu laisses s'épanouir tous ces désirs qui t'inondent
Je veux qu'tu sortes, je veux qu'tu ries, j'veux qu'tu parles d'amour
J'veux qu'tu aies le droit d'avoir 20 ans
Au moins pour quelques jours
Mais si j'écris cette lettre, c'est pour que tu saches, simplement
Que je t'aime comme un fou, même si tu ne le vois pas
Tu sais ma fille chez nous, il y a des choses qu'on ne dit pas