"La raccommodée" (Alexandra Lucchesi)

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Il y a quelques jours, je partageais avec vous le texte d'une plume que j'avais découverte grâce aux Editions Pour Penser : Alexandra Lucchesi (c'était ici : "Avez-vous déjà pensé...?").

Voici un autre de ses textes, beaucoup plus sombre, que le même éditeur choisit d'offrir dans sa collection "Pour panser" : "La raccommodée".

Si vous connaissez des enfants (ou des adultes) qui ont besoin d'être raccommodés, n'hésitez pas à le partager.

Cliquez sur la photo ci-dessous, puis sur "lecture en intégralité offerte". Âmes sensibles, accrochez-vous.

Merci Alexandra.

Untitled

Voir sa compagnie :

"LOiseau-monde"

"Je voudrais parler à mon père"

Rédigé par Sylvie PTITSA 1 commentaire
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Je voudrais oublier le temps
Pour un soupir, pour un instant
Une parenthèse après la course
Et partir où mon cœur me pousse.
Je voudrais retrouver mes traces
Où est ma vie, où est ma place
Et garder l’or de mon passé
Au chaud dans mon jardin secret.

 

Je voudrais passer l’océan
Croiser le vol d’un goéland
Penser à tout ce que j’ai vu
Ou bien aller vers l’inconnu.
Je voudrais décrocher la lune
Je voudrais même sauver la terre
Mais avant tout, je voudrais parler à mon père,
Parler à mon père.

 

Je voudrais choisir un bateau
Pas le plus grand ni le plus beau
Je le remplirais des images
Et des parfums de mes voyages.
Je voudrais freiner pour m’asseoir
Trouver au creux de ma mémoire
Les voix de ceux qui m’ont appris
Qu’il n’y a pas de rêve interdit.

 

Je voudrais trouver les couleurs
Du tableau que j’ai dans le cœur
De ce décor aux lignes pures
Où je vous vois, qui me rassure.
Je voudrais décrocher la lune
Je voudrais même sauver la terre
Mais avant tout, je voudrais parler à mon père,
Parler à mon père.

 

Je voudrais oublier le temps
Pour un soupir, pour un instant
Une parenthèse après la course
Et partir où mon cœur me pousse.
Je voudrais retrouver mes traces
Où est ma vie, où est ma place
Et garder l’or de mon passé
Au chaud dans mon jardin secret.
Je voudrais partir avec toi
Je voudrais rêver avec toi
Toujours chercher l’inaccessible,
Toujours espérer l’impossible.

 

Je voudrais décrocher la lune
Et pourquoi pas sauver la terre
Mais avant tout, je voudrais parler à mon père,
Parler à mon père
Je voudrais parler à mon père
Parler à mon père.


 

 

                                                                             Cher Papa,

 

voilà 8 ans aujourd'hui que tu es parti vivre de l'autre côté. A l'époque, nous ne pouvions pas, ou plus, nous parler. Chaque fois que j'entendais cette chanson (comme par un fait exprès, elle passait partout où j'allais), je versais des litres de larmes. En la réécoutant aujourd'hui, je pleure toujours, mais plus pour les mêmes raisons. Je pleure parce que je réalise que chacun des souhaits qu'elle exprime, je l'ai accompli. Je pleure de gratitude pour ce que la vie m'a permis d'apprendre à travers ta mort. Ne pas perdre de temps. Ne pas oublier mes rêves. Ne pas me décourager. "Partir où mon coeur me pousse", même quand ça semble complètement impossible. Tout ce à quoi tu m'as entraînée de ton vivant ici, avec une rigueur et une exigence quasi martiales. Tu m'as donné un véritable entraînement de ninja ! Grâce à elles, grâce à toi, j'ai pu relever tellement de défis.

 

C'est étrange qu'il nous ait fallu attendre ton départ pour réussir à nous parler vraiment.  Avec ces mots et cette délicatesse que, dans le monde d'ici, tu te refusais à avoir. Ou que, peut-être, personne ne t'avait appris... Tu t'es mené la vie dure et tu nous l'as menée aussi. Comme il aurait été dommage de rester sur cette fausse image de qui tu étais vraiment, derrière le masque...

 

Aujourd'hui, je pense à ceux qui, comme moi à l'époque, pleurent un proche en se disant qu'ils sont passés à côté de leur relation avec lui. Qu'il est parti sans qu'ils puissent se dire les choses importantes, avec les mots ou les gestes du coeur. Je pense à ceux qui n'ont, comme moi, pas pu être aux côtés de l'être cher qui part, dans ses derniers instants. A ceux qui se désolent que tout soit perdu, que le final soit un échec.

 

J'aimerais leur dire, avec toi, qu'en réalité, rien n'est perdu, car rien ne s'arrête. La mort n'emporte rien, elle ouvre une porte que chacun d'entre nous est libre de franchir, ou non, afin d'aller s'entretenir avec ses proches, poursuivre (ou reprendre, comme dans notre cas), le dialogue avec eux. La vie avec eux.

 

Ce n'est pas une question de croyance religieuse en un au-delà, un Paradis ou je ne sais quoi. Je dirais plutôt une "décroyance", une déprogrammation de tout ce que nous pensons connaître de la vie, de la mort... et si ça ne s'arrêtait pas ? Et si ce n'étaient pas deux dimensions séparées ? Et s'il était possible de rester en lien, exactement comme avec une personne qui s'en va vivre à l'étranger et reste en contact avec nous, par-delà les frontières ? Pouvons-nous aller jusque-là ?

 

Le téléphone, le passeport universel existent, pour "l'au-delà" aussi. Ils sont dans notre coeur. Chacun de nous peut les utiliser, même s'il n'y croit pas. Ce qui n'a pu être apaisé, dénoué dans cette vie, peut l'être après. Même bien plus facilement, sans la cuirasse de l'ego. Il n'y a pas de culpabilité, de remords à avoir. La vie continue. Autrement. On peut toujours s'engueuler, même, si ça nous manque. On se réconcilie juste plus vite !

 

Ce qui n'a pas été dit de ce côté du monde peut l'être de l'autre. On peut parler aux "absents", ils nous entendent et nous répondent. Pas avec leurs voix de vivants, bien sûr. Mais d'une façon que nous reconnaîtrons, parce que leur réponse s'accompagnera d'une émotion particulière, au moment où elle nous touchera. On sait, c'est tout. La raison  se rebiffe, rechigne, contredit. Mais au fond de soi, malgré tout son barouf, on sait. On sent.

 

Merci, Papa, de m'avoir appris par ta maladie, puis par ta mort, qu'il est d'autres façons de communiquer, même à distance, que la parole. Merci de m'avoir appris que le réseau de l'amour n'a ni limites, ni frontières, et couvre tout ce qui existe, dans le visible comme dans l'invisible. Merci de m'avoir permis d'expérimenter que, de partout, à n'importe quel moment, quel que soit mon état émotionnel, je peux "parler à mon père"... et à tous les autres.

 

Comme le réseau est perfectionné, je finis d'écrire ce texte, commencé le jour anniversaire de ta mort, à 11h04 : 11 avril, ta date de naissance.


 

Avez-vous déjà pensé...?

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A vous qui lirez ces lignes, je demande – parce que, pourquoi ne pas demander ? Nous ne nous demandons pas assez les uns les autres ; et pourtant, il y a tant à s'étonner de nos humanités :

Avez-vous déjà regardé le ciel en pensant qu'il était une toile tendue sur laquelle on avait peint ?

Qu'il était un couvercle bleu de théâtre ?

Avez-vous déjà pensé que nous étions des choses manipulées par de grandes mains - si grandes que nous ne les percevons pas qui jouent avec nous comme des figurines d'enfant à qui l'on donne vie ?

Avez-vous déjà pensé que le verbe "bizouater" pourrait exister ? Qu'il pourrait signifier "couper un petit disque de coton en deux avec une paire de ciseaux exclusivement " ?

Avez-vous déjà pensé à la superficie qu'il faudrait pour stocker tous les biscuits que vous avez engloutis depuis que vous êtes en âge de vous en régaler ?

Avez-vous déjà pensé à écrire sur le plafond de votre salon les prénoms des personnes que vous aimez ?

Avez-vous déjà pensé à dire à un inconnu dans la rue qu'il était beau ? Beau, comme un roi ou comme un porte-manteau, mais beau, beau-juste-comme-il-faut ?

Avez-vous déjà pensé à honorer vos pieds qui vous supportent depuis toujours sans rechigner et vous mènent partout où vous voulez aller ?

Avez-vous déjà donné une caresse au vent pour le remercier de vous faire vous sentir vivant quand il s'emmêle dans vos cheveux alors que vous êtes perdu dans vos pensées ?

Avez-vous déjà pensé à rire alors que vous aviez envie de pleurer ? Juste une fois, pour essayer ?

Avez-vous déjà pensé à vous allonger sur le bitume et à demander à un enfant d'entourer votre corps à la craie pour pouvoir le colorier ?

Avez-vous déjà pensé à vous offrir des fleurs, sans motif autre que vous célébrer ?

Avez-vous déjà pensé que la vie, et la mort, n'étaient pas ce que l'on croit ? Que ces idées crépitent plus loin, et plus ardemment, que nos seules intuitions ?

Avez-vous déjà pensé qu'un poème pouvait sauver une âme en peine ? Que Rilke, bien qu'évaporé depuis longtemps, pouvait encore soutenir les vivants de maintenant ?

Avez-vous déjà pensé qu'il y avait un récit ? Un grand, commun, qui nous comprend tous, même si nous, ne comprenons pas toujours ses lignes ?

Avez-vous déjà pensé à tout recommencer ? A vous réinventer ?

Avez-vous déjà pensé qu'il était temps ? Temps de vivre, enfin, maintenant, absolument ?

 

Alexandra Lucchesi

 

 Découvrir "Le panse-coeur", tome 1 (extrait)

Découvrir "Le panse-coeur",  tome 2 (extrait)

Découvrir le spectacle du "Panse-coeur"

 

Avez-vous déjà pensé...?

 

Merci aux Editions pour penser (et panser !) pour la découverte de cette merveilleuse plume !

 

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