J'bats la chamade (réécriture de "Je suis malade" de S. Lama)

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J'bats la chamade

 

 

Je ne doute plus,
Je ne tremble plus,
J’écris pas à pas cette folle histoire
Je suis belle en toi,
Je suis reine en toi,
Je suis comme une flamme qui danse dans le noir
J’ai encore plus envie
De vivre ma vie
Ma vie pétille dans ton regard
J’suis si ardente de vie
Que même mon lit
Se transforme en astre ou en phare
Quand tu es là



J’bats la chamade,
C’est ça, j’bats la chamade

Chaque fois qu’vais t’entendre ou te voir
Et même juste de joie, sans raison notoire

J’bats la chamade,
Parfaitement, la chamade,
T’arrives on ne sait jamais quand,
Tu r’pars on ne sait jamais où
Et peu importe l’heure ou le moment
J’te saute au cou !



Comme à un rocher
Comme à une fusée
Je suis accrochée à toi,
Je suis rassurée,
Je suis émerveillée
Dès que tu me tiens là, entre tes bras
J’te rejoins toutes les nuits

Et depuis mon lit
Avec toi, je voyage partout
Et sur ce bateau
Deux dans une seule peau,
N’importe où, on peut semer

L’ivresse d’être nous

 


J’bats la chamade,
Tralala, la chamade,
Je te sens vivre dans tout mon corps
Et je suis comme un oiseau libre dans ton essor
J’bats la chamade,
Parfaitement, la chamade,
Tu as réveillé tous mes chants,
Tu as libéré tous mes mots,
Tu magnifies tous mes talents
Tu m’envoies plus haut


 

Cet amour éperdu,
Si ça continue,
Révèlera le meilleur de moi
Comme un athanor

Il sécrète son or
Et secrètement
Enluminera...

 

J’bats la chamade,
Parfaitement, la chamade

Chaque fois qu’vais t’entendre ou te voir
Et même juste parce que tu respires, là, quelque part

J’bats la chamade,

C’est ça, j’bats la chamade

Tu as réveillé tous mes chants,
Tu as libéré tous mes mots,

Et j’ai le cœur comme un tam tam chamade,
Tombées, les barricades,
T’entends, j’bats la chamade !


 

 

"Sinon il te prend"

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Horloge avec mécanisme rouages engrenages, décoration murale retro ...

 

 

"Je n’ai pas le temps"." Je suis débordé(e)". "Je cours après le temps"."Je rêve qu'on m'offre du temps..."

 

C’est devenu une ritournelle. J’entends cette phrase dans la bouche de tous : chez mes élèves enfants ou adolescents, chez les actifs, chez les retraités… à croire que le temps est devenu une denrée encore plus rare et précieuse que l’énergie, et l’objet d’une crise tout aussi généralisée.

 

Pourtant, à bien y réfléchir, le temps n’existe pas. C’est un consensus, une solution pratique que notre mental a inventée de toutes pièces pour organiser le quotidien. J’ai constaté qu’une des choses les plus difficiles à comprendre et à intégrer, pour les enfants, est précisément ce découpage du réel en tronçons arbitraires : les jours de la semaine, les mois, les années, les heures… L’enfant vit au présent. Il n’a que faire du ressassement du passé ou des projections dans l’avenir. Il n’a pas besoin de se rappeler ce qu’il a fait hier (encore moins de le regretter) ou de se demander ce qu’il va faire dans une heure. Il vit. Il est. Cela lui suffit.

 

Moi non plus, je n’ai pas le temps. Je n’ai pas le temps de me mettre en souci pour tout et n’importe quoi et de gâcher la magnifique journée qui s’offre à moi. Je n’ai pas le temps de passer mes heures à des occupations sans intérêt, ou avec des gens sans intérêt, pour sauver les apparences et le qu’en dira-t-on. Je n’ai pas le temps de critiquer l’état du monde, les politiciens, la crise économique, la disparition des valeurs, la destruction de la planète ou tous les autres boucs émissaires que je pourrais vouloir rendre responsables de mon « malheur » cérébral. Je préfère mettre mon énergie (et mon temps !) dans la recherche de solutions réalisables à mon échelle et dans leur concrétisation. Je préfère cultiver le bonheur et le partager avec un maximum d’êtres autour de moi, même s’ils sont moins nombreux que ceux avec qui je pourrais cracher mon fiel et mes jérémiades dans la soupe.

 

Le monde n’ira pas mieux parce que je me plains, me désole, me rebelle, m’écoeure, me décourage ou me désespère. Plutôt le contraire, je présume… C’est vrai, je n’ai aucune garantie que ma foi en la vie aide le monde à aller mieux. Mais elle m’aide déjà à aller mieux, moi. Raison amplement suffisante pour la cultiver.

 

Quand je vivais à Metz, j’aimais emprunter une petite rue du centre-ville, la rue de la Chèvre : sur un mur, un cadran solaire délivrait un sage conseil aux passants attentifs (pour les retenir de devenir chèvres ?... j'ignore si le jeu de mots et de situation était voulu) :

« Prends le temps, sinon il te prend ». (en photo ici)

 

J’ai pris le temps pour tout ce qui me semblait "importemps" dans ma vie. Voilà sûrement pourquoi je partirai sereine et sans regret, le jour où mon temps ici prendra fin.

 

 

Sérieusement ?

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Rene Magritte - La Valse Hesitation(1971) - Etching and Aquatint | For Sale  on Composition Gallery

 René MAGRITTE - "La valse hésitation"

 

Quitte à passer une nouvelle fois pour un OVNI ou une arriérée, j'ai envie de culbuter aujourd'hui un autre bastion du monde adulte : l'esprit de sérieux. Au fil des ans (oui, je suis rétrograde, aussi !), je trouve qu'un glissement pernicieux s'opère entre "être professionnel" et "tirer une tronche de croque-mort". C'est à croire que plus on est maussade, plus on donne de gages de fiabilité. Même sur les photos d'identité, on ne doit plus sourire! Notre identité serait donc la part de nous privée d'expression ?

 

Déjà, la sacro-sainte "distance professionnelle" s'était immiscée dans certaines branches, chez les enseignants ou les thérapeutes, par exemple. On ne devait plus se toucher, plus se serrer la main (c'était pourtant bien avant la pandémie), plus échanger d'informations personnelles avec ses patients/élèves. La proximité relationnelle avec les médecins de famille, par exemple, a disparu. Non seulement ils ne se déplacent plus à domicile, mais j'ai remarqué que très souvent, ils n'auscultent plus. Ils écoutent, diagnostiquent et prescrivent. Plus la relation est aseptisée, impersonnelle, plus c'est un gage de "sérieux" (ah oui ?...). Et si en prime le praticien a l'air stressé et fait la gueule, c'est qu'il est très occupé, donc très prisé, donc très compétent.  Hum...

 

René Magritte, Le fils de l'homme (1964) | Handy Culture

René MAGRITTE - "Golconde"

 

Pourtant, quand je vais chez ma dentiste, son sourire solaire (même derrière le masque, oui !) me rend bien plus agréables le détartrage annuel ou l'attaque d'une carie par ce mini marteau-piqueur puant qui hante mes cauchemars. Lors de mon unique séjour long à l'hôpital, c'était beaucoup plus facile d'oublier la douleur et l'humiliation de mon état de grabataire avec les infirmières pleines d'entrain qu'avec celles qui me traitaient comme un numéro. Ces dernières étaient-elles, pour autant, plus "professionnelles " ?

 

J'apprécie d'avoir un comptable et une conseillère bancaire souriants, bienveillants et même capables d'humour. J'en ai besoin pour oser me colleter avec des domaines aussi hermétiques que les taux de TVA ou la gestion du capital. S'ils n'avaient pas l'amabilité de se mettre à ma portée et de m'expliquer avec patience ce qui est pour moi un jargon impénétrable, je n'oserais même pas leur poser de questions tellement je craindrais de trahir à quel point mon cerveau nage la brasse. Etre professionnel, est-ce être un(e) Pokerface qui traite les clients de haut, ou se mettre à leur portée pour les accompagner dans des choix lucides ?

 

https://touslesarts.files.wordpress.com/2015/10/magritte-la-victoire.jpg

 René MAGRITTE - "La victoire"

 

Quand, chaque année, j'emmène ma voiture au garage avant le contrôle technique, j'irais en traînant les pieds sans la bonne humeur contagieuse des employés, joviaux, polis, surmenés, n'ayant pas accès de la journée à une autre lumière que celle des néons de leur cage à poule étriquée, et cependant généreux de leur chaleur humaine, de leur temps et de leurs conseils à des clients grincheux dont les manières me semblent souvent hallucinantes (ils ont pourtant accès au soleil, eux)... Ils plaisantent, s'apostrophent, parfois même sifflotent dans le bureau, et j'adore ça. Pour autant, je n'ai jamais eu à leur faire le moindre reproche sur la qualité des prestations fournies.

 

René Magritte, Le pays des miracles, Édition sur papier Arches

René MAGRITTE - "Le pays des miracles"

 

Je pense à tous ces travailleurs de bureaux sans perspective ou carrément borgnes, tous ces employés d'arrière-cours, de supermarchés, d'entrepôts, d'usines, sans parler de ceux qui travaillent en extérieur par tous les temps quand nous nous abritons derrière le chauffage ou la climatisation, - ceux qui réparent nos toits, nos canalisations, nos routes... pourquoi chantent-ils plus que le peuple en costume trois pièces assis derrière les baies vitrées impeccables que d'autres ont nettoyées pour eux ?

 

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René MAGRITTE - "Le modèle rouge"

 

Quand il m'arrive (par cas de force majeure) d'aller en ville, je suis effarée par ces jeunes à col croisé et attaché-case qui ont déjà l'air vieux. Je me souviens d'un couple en particulier, lui en cravate, elle en tailleur. Ils partaient travailler et se sont quittés sans un regard sur un petit baiser absent, distrait, un petit baiser artificiel et machinal qui en disait tellement long ... ils n'étaient pas là. Pas dans leur corps, pas dans leur vie, pas dans leur couple. Ils avaient mille ans. Ils me paraissaient déjà morts. Quels sont les codes de cette vie, de cet amour, où il est plus important de scroller les news, le nez collé à son téléphone, que de prêter attention, vraiment attention, à l'autre ? Où être pressé, stressé et indifférent, c'est être "sérieux" ?

 

L'Œuvre à la loupe : « Les Amants » de Magritte | Rise Art

René MAGRITTE - "Les amants"

 

Je ne connais pas ces codes et je ne veux pas les apprendre. Je préfère rester un OVNI, pardon. Quand j'observe à la loupe "l'esprit de sérieux", il me semble surtout consister à prendre au sérieux son masque social. Autrement dit, à s'identifier à quelqu'un ou à quelque chose que d'autres ont défini pour nous, qui exige de satisfaire perpétuellement des attentes, oubliant qui nous sommes vraiment. Si pour être "sérieux", il faut se perdre soi, si pour être crédible, il faut laisser son identité au vestiaire et se mouler dans un rôle de composition,  je préfère rester pitre, simplette, rétrograde, asociale et tout ce qu'on voudra.

 

Si la "réussite", c'est s'abdiquer, je l'appellerais plutôt inconsolable perte.

Merci à tous ces actifs professionnels et compétents qui n'ont pas laissé leur humanité au vestiaire. J'ose croire qu'ils font plus pour le monde de demain que tous les encravattés socialement corrects qui les trouvent trop souriants pour être "sérieux".

  

René Magritte - "La promesse"

 

Bouquet

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 Mon bouquet d'automne

 

Aujourd'hui (5 octobre), c'est la Sainte Fleur, et la vie m'en a offert un bouquet. Comme elle sait si bien le faire : quand on en a le plus besoin et qu'on s'y attend le moins. Quand on est dans une de ces phases de découragement où les difficultés s'amoncellent et où l'horizon semble irrémédiablement bouché. La vie veille sur nous. Elle nous le manifeste de bien des façons, si nous acceptons de voir et de recevoir. J'ai accepté et reçu ce bouquet avec gratitude.

Il était fait d'images : des photos et des vidéos d'un atelier lecture organisé par l'AVEDEC Togo pour les enfants du village d'Aképé. Vous vous souvenez peut-être que je suis marraine de cette ONG humanitaire depuis plusieurs années et que j'avais fait appel à vous en pleine pandémie, lorsqu'elle avait soudainement perdu ses locaux.

 

 

 

En respirant ce bouquet, je repensais à la situation d'il y a trois ans. Il était presque inimaginable que nous puissions poursuivre nos activités. Tout semblait condamné. Et pourtant, aujourd'hui, l'association revit, nous avons nos propres locaux, un espace de jeux, une bibliothèque. Les enfants ont planté, à la rentrée, des arbres de paix sur le terrain. Nous avons choisi des arbres fruitiers (un manguier et un cocotier) afin de pouvoir partager leur fruits avec d'autres : pour nous, c'était symboliquement important. Vous pouvez voir tout cela (l'atelier, la plantation) en vidéo sur Facebook.

 

 

 

 

 

De l'autre côté de ma lassitude, par-delà les actualités officielles qui nous matraquent quotidiennement de nouvelles pessimistes et alarmantes, il y a les sourires et la confiance de ces enfants qui croient encore à un autre avenir que la fatalité et la misère, il y a un monde qui attend d'être bâti, un monde d'entraide, d'ouverture, d'espoir. C'est ce monde-là que je veux nourrir, c'est à ce monde-là que je veux contribuer. "With my own two hands", comme dit la chanson. Cette bibliothèque en est une pierre parmi tant d'autres.

 

 

C'est peut-être une goutte d'eau dans la mer, mais comme pour  les étoiles de Paolo Coelho, pour chacun d'entre eux, ce geste peut ouvrir l'inespéré. Voilà pourquoi je ne peux pas garder baissées "my own two hands".

 

En savoir plus sur l'ONG

 

Côte à côte (15)

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Je viens à la pêche comme d’autres vont à la plage. Pour passer le temps. Pour regarder glisser les nuages, même si, à cette saison, le ciel est le plus souvent lisse comme la mer. Pour laisser les soucis derrière moi, respirer l’air du large, étirer le quotidien de quelques encablures... le rendre plus souple, plus vaste, plus intéressant, plus élastique. Certains viennent ici en voyage. Moi, je voyage en contemplant ceux qui voyagent et ceux qui restent : les bouchons fixes sur l’eau calme et les bouchons qui dérivent, emportés par les courants.

Je pose mes lignes depuis la jetée, et, pendant qu’elles taquinent le goujon, j’ouvre tous mes sens, je me mets à l’affût de la vie du village, ce gros animal nonchalant qui s’éveille dans un ronron grandissant, sous la caresse d’un soleil encore amical.

Chaque jour apporte sa marée de nouveautés. Ces derniers temps, elles sont nombreuses. J’ai relevé beaucoup de détails intrigants, pour ne pas dire d’anomalies. Deux mouettes, enfin, un albatros et une mouette, font des allers-retours incessants au-dessus d’un balcon, toujours le même : celui de Pia et Paola, les deux sœurs impitoyables (ici on les appelle « les mitraillettes », parce qu’elles parlent sans arrêt, toujours pour dire du mal des gens, quand elles ne les fusillent pas directement du regard). Elles ont mis sécher des morues à la place de leur linge, ou quoi ? Jamais observé ce type de comportement avant chez les oiseaux.

L’agence Via Garibaldi va fermer. Les deux associés ne s’entendent plus, à ce qu’on dit. L’un aurait exploité l’autre, qui serait parti en claquant la porte. Le chef a cherché à le remplacer, mais l’autre lui a fait une telle réputation que plus personne ne veut embaucher chez lui. Il a dû se résoudre à déménager pour tenter sa chance dans une autre ville. Il faudra qu’il aille loin pour échapper à la rumeur. Naples peut-être, ou Rome, s’il ne craint pas la concurrence…

Le grand monsieur et la petite dame de la résidence sortent tous les jours se promener à heure fixe, réglés comme du papier à musique. Qu’est-ce qu’ils sont amoureux, ces deux-là ! Ils se tiennent comme s’ils avaient peur qu’un coup de vent emporte l’autre. C’est vrai que la vie emporte les gens sans prévenir, parfois…

En parlant d’amoureux, j’ai vu sortir l’employé en chemisette à rayures de la banque, puis de chez le fleuriste, juste à côté. Avec un gros bouquet de roses. Sûrement pour la petite demoiselle touriste avec qui il faisait des photos sur la promenade du bord de mer, l’autre jour. Ca a l’air de suivre son cours, leur histoire…

Pas comme les deux rabat-joie qui viennent plomber la côte de leurs disputes conjugales, année après année. Ils se jettent des regards plus noirs qu’un caffè stretto. On dirait qu’ils vont finir par s’entretuer. Dieu nous en garde… Et leurs ados qu’ils traînent derrière eux comme des animaux de compagnie, les pauvres… Ca doit être drôle comme un séjour en prison, leurs vacances familiales… enfin, au moins, ils sont ensemble. Les seuls barreaux qui les séparent sont ceux des non-dits…

Le vieux Gepetto a l’humeur sombre, aujourd’hui encore. Ca se voit à la manière dont il arpente le port, en long, en large, aller, retour. Il est ainsi depuis que son garçon est porté disparu en mer. On n’a jamais retrouvé le corps. … Gepetto est persuadé qu’il le retrouvera un jour au fond d’une baleine, qu’elle l’a avalé vivant… mais tout le monde au village sait bien qu’il n’a plus toute sa tête.

Que fait donc mon invité ? On ne finira jamais  à temps de préparer les poissons du déjeuner s’il ne revient pas de l’église. Je n’ai pas compris pourquoi il trouvait si urgent d’aller y allumer un cierge, un jeudi. Ca ne pouvait pas attendre ? C’est peut-être une demande de sa femme, la Française. Elle a des idées saugrenues, des fois... certains la trouvent même peu folle… A mon avis, c'est juste qu'elle vient d'ailleurs. On ne la comprend pas bien, ici.

Je salue d’un geste Tekle, le jeune Erythréen qui entretient la plage privée de la résidence, celle avec les parasols jaunes. Il est bien, ce gosse. Il fait du travail propre et sérieux, même s’il parle encore mal notre langue. C'est un bosseur... Je l’ai vu donner en cachette des restes de nourriture abandonnés par les touristes au vieux chien noir qui se poste toujours près des transats. C’est un malin, lui. J’ai bien observé sa tactique. Il scrute attentivement ce qui se passe au Velazzura, pour aller se servir le premier dans l’arrière-cour quand ils jettent quelque chose. Et on jette tellement, de nos jours…

Ah ! Voilà Domenico qui rentre du large,déjà ? Le poisson n’a pas dû mordre beaucoup, ce matin... Il passera discuter une fois qu’il aura amarré son petit bateau. Comme moi, il pêche par plaisir, bien plus que pour vendre. Ou par désoeuvrement… le plaisir est le nom de vedette de l’ennui, non ? Celui que le vide prend pour paraître glamour ?... Houlà, je me laisse emporter, je pense trop. Ca ne me réussit jamais… Je vais plutôt lui faire signe de m’apporter les potins du jour que je n’ai pas encore eus par d’autres : il se lève toujours très tôt pour partir en mer avant l’aube… il pose ses filets le premier, pour le poisson comme pour les on-dit. Il les remplit le premier aussi…

J’aimerais bien savoir s’ils ont éclairci le mystère de la gelateria Rosanna dont les glaces ont fondu subitement, les pauvres… un week-end, en plus, le meilleur jour pour les affaires ! Leur système de réfrigération est intact. Ils n‘y comprennent rien. Aux dernières nouvelles, l’enquête piétine…

Pour blaguer, on fait des paris avec Domenico sur l’idylle de l’employé en chemisette et de la petite touriste. Il pense que ça ne durera pas, moi, j’aime me dire que si. Il se moque de moi :

« Ecoute, Emilio, tu es trop romantique ! Tu regardes les feuilletons américains, ou quoi ? Les femmes, c’est comme les alevins, c’est meilleur en friture ! Toutes à la casserole ! Une de perdue, dix de retrouvées ! »

J’aime bien la friture… Domenico est bien meilleur pêcheur que moi, et pour les poissons, c’est une véritable encyclopédie ;  il m’a même appris qu’une espèce méditerranéenne (le serran), est hermaphrodite, c’est-à-dire à la fois mâle et femelle : il forme une paire à lui tout seul, il s’auto-suffit.

Pourtant, une femme comme la mienne, moi, je n’en ai pas retrouvé.

Mais je suis encore là… et comme on dit : tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir.


 

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