La croissance sans la croix
Elle fait pour moi partie de ceux qui chantent comme on prie. Si vous croyez que sa voix dans la 1e vidéo a été retravaillée en studio, écoutez-la sans filtre dans la 2e...
Pardon de vous infliger un énième texte sur le débat tendance du moment : non, non, pas le nouveau dress code du festival de Cannes, mais l'intelligence artificielle.
Mon intelligence humaine se souvient que nous avons eu le même débat à l'arrivée de la télévision (elle allait décérébrer les jeunes générations), puis de l'ordinateur (il allait les rendre paresseuses), puis d'Internet (n'était-il pas dangereux que l'information soit si facilement accessible et circule partout ?... Rappelons que ce débat existait déjà au Moyen-Âge, quand elle a commencé à échapper au verrouillage idéologique de l'Eglise).
Serons-nous toujours méfiants et réticents à l'arrivée d'une nouveauté ? Pourquoi ne pas tenter, plutôt, l'option du pragmatisme ? Que cela nous agrée ou non, l'IA est déjà omniprésente et nous ne pouvons empêcher son emploi. Même dans les domaines où on tente de le cadrer, la vérification est difficile. Deux exemples issus de ma réalité quotidienne :
- Un jeune de ma connaissance a été sanctionné par son professeur pour un devoir qu'il aurait fait "écrire par une IA". Nuance : le jeune avait effectué des recherches avec l'IA pour préparer son contenu, mais la rédaction était entièrement de son cru. Rien, dans les consignes du devoir, ne spécifiait qu'il était interdit d'utiliser l'IA. Et même le cas échéant, comment le vérifier ? Voilà donc un élève qui a utilisé un outil public avec discernement et se fait sanctionner pour une faute qu'il n'a pas commise.
- Je participe actuellement à des concours d'écriture et, là aussi, les règlements (que doivent signer les écrivains) mentionnent l'interdiction de recourir à l'IA, ce que je trouve légitime. Cependant, où commence et où s'arrête "le recours à l'IA" ? Si j'utilise une IA pour m'informer sur un sujet avant d'écrire mon texte, suis-je en faute ? Je ne fais finalement que synthétiser, grâce à elle, différentes informations que j'aurais dû chercher et croiser plus longuement en passant par Internet. L'IA n'écrit rien, elle prépare mon travail, comme l'aurait fait autrefois une bonne secrétaire ou un bon archiviste.
A l'inverse, certains organisateurs de concours ont préféré créer une rubrique spécifique pour les textes rédigés grâce à l'IA, comme ici : https://panodyssey.com/fr/article/culture/concours-d-ecriture-multiformat-panodyssey-les-plumes-vagabondes-r2v65rdar6be#
Finalement, je trouve épuisant et vain de vouloir contrôler ou combattre quelque chose qui existe déjà, sans possible retour en arrière. Un outil reste un outil, tout dépend des mains qui l'utilisent. Un couteau peut servir à égorger ou à couper du pain ; une pierre à lapider ou à construire. Pourquoi ne pas tenter l'ouverture et la confiance, pour une fois ?
Je termine avec 2 articles que j'ai trouvés intéressants sur le sujet :
"Je suis un auteur augmenté et je l'assume", de David Pareÿt
''Please do your homework with ChatGPT'', de Laure Talavet-Omont
(Ce dernier est est en anglais, mais une bonne IA peut vous le traduire... ou Deepl si vous restez réfractaire !)
“ Fille de bibliothécaire, je lisais enfant tout ce qui me tombait sous les yeux. Les livres me faisaient voyager ; ils m'ont donné le goût des mots, ont ouvert mon imaginaire, construit ma personnalité. Ce plaisir de la lecture ne m'a jamais quittée. Il me semble primordial aujourd'hui, à l'heure où les écrans engloutissent nos journées, de donner aux plus jeunes le goût de la lecture. Car comme l'écrivait Rolande Causse : "Qui lit petit lit toute sa vie". ”
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Image : Claudette Galland
Quand j'ai écrit "Côte à côte", le premier, puis le deuxième, puis le troisième... c'était pour moi un jeu d'écriture sans conséquence. Un auto-défi où je me proposais d'écrire une série de textes intégrant ces mots, autour d'un même lieu, à la première personne du singulier. Quand je n'aurais plus d'inspiration, quand je ne trouverais plus d'autres emplois possibles de l'expression (probablement à la fin de l'été), je m'arrêterais. Les nouvelles se succédaient sans logique précise au gré de mon inspiration, telles des perles sur un fil. Un jour, le collier serait achevé : je couperais le fil.
Finalement, cette expérience a pris une tout autre tournure. D'abord, j'ai repris ce texte l'été suivant, ce qui n'était absolument pas prévu. D'autres "Côte à côte" me sont venus, avec cette fois des échos entre eux. Certains personnages ont disparu, d'autres se sont invités. Des liens entre les différentes scènes juxtaposées "au hasard" (croyais-je) sont apparus, certains légers, en filigrane, d'autres plus marqués, plus évidents. Comme si, durant cette parenthèse silencieuse entre deux étés, le texte avait commencé à vivre sa vie sans moi, à travailler à la façon d'une pâte qui lève. Il avait fermenté, mûri, gonflé. Il demandait à être remis à plat, retravaillé. Et c'est ainsi que, à mon propre insu, "Côte à côte" a commencé à prendre la tournure d'un roman.
Je n'avais jamais encore écrit de roman. Je me sens mieux avec les textes courts, ciselés à l'unité comme des miniatures. Des textes éphémères qui irisent l'imaginaire du lecteur, puis éclatent dans l'oubli comme des bulles de savon. J'aime cette écriture instantanée, spontanée, sans calcul. Le roman me semblait exiger une stratégie préparatoire, une complexité qui m'ennuyaient d'avance. Là où les nouvelles m'offraient des promenades, le roman me faisait l'effet d'une épreuve d'endurance, d'un décourageant marathon.
Je sais, pour l'avoir lu ou entendu, que certains écrivains, tels Bernard Werber ou Amélie Nothomb, ont une véritable "discipline" d'écriture : tous les jours de telle heure à telle heure, avec un plan et un projet précis. Je comprends cette façon de faire; je serais incapable de la pratiquer. Personnellement, elle me ferait même fuir. Faire du plaisir d'écrire une discipline rituelle m'en ôterait la moité, peut-être même davantage. J'ai besoin de souplesse, de jeu, de liberté. C'était déjà ainsi, pendant mes études, avec les dissertations littéraires qui devaient obéir à un plan non négociable : trois parties, trois paragraphes par partie, trois idées par paragraphe et trois exemples associés à ces idées. Quelle barbe !!!
Je me suis pliée à l'exercice, je comprends la nécessité d'acquérir une méthodologie et de l'appliquer au détail près (c'est l'enseignante ici qui parle, pas l'auteure !) mais, pour être foncièrement honnête, la seule chose qui me reste de cette structure rigoureuse, trente en plus tard, est l'exaspération d'une écriture contrainte, sans souffle, sans âme, d'une expression corsetée par les règles arbitraires du bien dire (établies au nom de quoi, d'ailleurs ?), qui m'a laissé surtout le goût de ne plus y revenir (même si je saurais le refaire en cas de besoin, pour un examen par exemple, j'en suis sûre). En un mot : "Berk !"
Nous avons la chance d'avoir une langue, une littérature d'une telle richesse ! Pourquoi les obliger à entrer dans ce carcan ? Pourquoi dégoûter les enfants, les adolescents, les futurs adultes, du plaisir des mots ? N'y a-t-il vraiment pas une autre façon de les aborder, de les pratiquer ?
Ce forçage n'a pas pour moi plus de sens qu'obliger une femme plantureuse, naturellement splendide, pleinement épanouie, à écraser ses formes magnifiques dans une gaine et un soutien-gorge à baleines de titane (oui, je suis contre le corsetage des corps, aussi... en fait, je crains d'être contre toutes les règles qui créent de la frustration et de la souffrance inutiles au nom du consensus social).
Bien... je n'anticipais pas que l'évolution de "Côte à côte" m'inspirerait un texte aussi véhément : initialement, je voulais juste vous informer que je continuais à l'écrire. Je me demande vraiment comment font ces auteurs qui mènent leur inspiration où ils veulent, comme un chien ou un cheval bien dressés. La mienne doit être une louve ou un Retuerta !
Image : https://paso-espanol.blogspot.com