"Sylvie, où trouves-tu tes idées pour écrire" ?

Rédigé par Sylvie PTITSA Aucun commentaire
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Les enfants (les adultes aussi, d'ailleurs) m'interrogent souvent sur mes sources d'inspiration.

Autant vous le dire aussi sincèrement qu'à eux : je n'en sais  fichtrement rien ! Ce n'est pas vraiment moi qui trouve les idées, plutôt elles qui viennent me trouver. Ca peut se produire à peu près n'importe quand, au détour d'à peu près n'importe quoi : une lecture, une rencontre, une situation, une parole dite ou saisie au vol, un thème qui m'obsède et sur lequel j'ai envie d'échanger... mais presque chaque fois, à l'origine de ma prise de plume , il y a une émotion. C'est l'émotion mon véritable moteur. Je suis touchée par quelque chose (ou quelqu'un) et j'ai envie de partager cette émotion.

 

"Pour chaque étoile qui tombe" - Ecrit le soir de l'attentat de Nice (2016)

"La vie est un diamant à ne pas fissurer" - Ecrit et enregistré pour une amie (2016)

"Petit" - Ecrit pour les victimes de harcèlement scolaire (2017)

"Une flambée d'allumettes" - Ecrit sur le vif (2019)

"Le dernier morceau de ciel" - Inspiré par un lieu de vacances (2020)

 

 

  

Contrairement à d'autres écrivains, écrire n'est pas pour moi affaire de technique, d'entraînement ou de discipline. Je ne dis pas qu'elles sont inutiles : elles ne correspondent tout simplement pas à ma façon de faire.  Il m'est arrivé d'écrire des textes avec des règles ou des techniques imposées, pour des concours littéraires (comme "Le Joyau" pour Edilivre ou "J'aurai ta peau" pour le recueil "Strip Tease"), pour des projets spécifiques ("Besserwisser" pour le projet "Changeurs de monde" aux éditions Seepia), des ateliers d'écriture  ou simplement par jeu, pour voir ce que j'étais capable de faire à partir d'une contrainte donnée.

 

"Aimons-nous vivants " (novembre 2009) : atelier de "La Petite Fabrique d'Ecriture"

"Quelque chose en nous de galactique" (2020) : jeu de transposition d'un texte existant

 

Pour moi, ces textes sont un peu comme des gammes destinées à préparer l'exécution d'un véritable morceau. Ils ne sont pas investis de la même puissance émotionnelle qu'un texte entièrement et librement créé au fil de mon inspiration.

 

Quelque chose en nous de Galactique

  

Quand nous avons enregistré la vidéo sur son métier de conteuse, mon amie Sylvie Beythan-Ory conseillait de raconter de préférence des histoires que nous aimons personnellement. Quand elle m'a proposé, il y a quelques années, d'organiser un atelier d'écriture, je ne voyais pas comment enseigner quelque chose que je n'ai moi -même jamais appris et que je suis (aujourd'hui encore) incapable d'expliquer, parce que je le pratique de manière très instinctive. Je n'ai pas de technique à transmettre ou de recette miracle à partager. Juste beaucoup d'expérience et encore davantage d'intuition.

 

 

 

Quand je travaille avec une personne (ou un groupe), j'ai une sorte de "scan" intuitif de son univers, ses possibilités et ce qui peut lui convenir pour atteindre ses buts. Je lui fais des propositions, elle s'y essaie et elle me dit si ça fonctionne pour elle. Si ça ne "prend" pas (au sens "chantillyque" du terme), on essaie autre chose. C'est donc une méthode tâtonnante, expérimentale, construite ensemble et qui ne ressemble en rien à un cours.

 

 

J'achoppais sur l'idée qu'un atelier d'écriture doive apporter un contenu, des méthodes, des connaissances littéraires, culturelles et techniques. Finalement, c'est en lâchant cette croyance et grâce à la confiance d'un petit groupe de "pionniers" volontaires que j'ai réussi à créer un atelier sur mesure : sur mesure pour moi et ma façon de faire, et sur mesure pour chacun des participants. J'arrive avec mes idées et envies, ils arrivent avec les leurs, nous faisons table commune et l'atelier se construit ainsi. Comme un pique-nique créatif et convivial plutôt qu'un repas dans les règles de l'étiquette.

Je vous donnerai bientôt un aperçu de ce qui s'y passe.

En attendant, dégustez la vie comme vous la préférez : avec ou sans étiquette !


 

 Merci à W.P pour ses photos toujours magiques...

 

Intérieur, extérieur

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Par la fenêtre du passé, je regarde les absents de ma vie. Ceux qui manquent chaque année à l’appel, ceux qui sont partis trop tôt, trop brutalement, trop injustement, et surtout ceux que rien ne remplace. Ni les portraits sur le buffet, ni les objets familiers, ni les albums photo, ni les souvenirs.

A côté du buffet, la pile de livres comme autant de fenêtres ouvertes, autant d’évasions possibles et d’échappées qui m’ont aidé à vivre, à trouver l’oxygène, à ne pas rester crucifié sur les écueils de l’absence tandis que le torrent de la vie, inlassable, les contournait pour poursuivre son cours. La vie indifférente à nos malheurs, à nos bonheurs humains. La vie qui coule sans fin, quoi qu’il arrive. Et moi qui, au lieu de couler avec elle, tentais désespérément de ne pas couler tout court. Je me suis rempli, gavé, saturé d’activités, de déplacements, d’étourdissements, de connaissances pour oublier ce pli, cette fente laissée dans l’eau à la chaque perte de chaque cher, cette coupure jamais cicatrisée d’un scalpel incompréhensible et soudain, tombé chaque fois comme un couperet douloureusement inacceptable. Chaque nouvelle incision ravive les précédentes et me vide lentement par cette plaie de l’âme. J’ai compensé comme j’ai pu : grâce au travail, grâce aux responsabilités, grâce à la famille, grâce à la culture, grâce aux amitiés, grâce à la nécessité d’avancer, vite, efficacement… et grâce aux livres. Cette stratégie de survie m’a permis de maintenir un équilibre bancal. Fragile, mais durable. On peut vivre avec un membre en moins, ou même plusieurs. On doit donc pouvoir vivre aussi avec un, ou plusieurs, êtres chers manquants. C’est du moins ce que je croyais.

Par la fenêtre du séjour, le renouveau entre à grandes et profondes bouffées, m’apportant les parfums et les chants du dehors. Les perce-neige et les crocus sont arrivés les premiers, puis les pâquerettes, les pissenlits et, depuis peu, d'immenses brassées de boutons d’or.  Les graminées et les feuillages reverdis dansent. Un vent tiède passe, doux comme une caresse. Pourtant, le matin, le givre vernisse encore les marches et les rend glissantes.

Tu arrives sur mon coeur à l’hiver de ma vie comme un printemps inespéré. Me voici sur le seuil.

Est-ce que je vais sortir ?


 

Mieux que changer d'année, changer de temps

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https://lart-et-la-matiere.org/wp-content/uploads/2020/11/IMG_3064.jpeg

Image : Création en raku de Marie-France GUILHEMPEY, site "L'art et la matière"

  


Il y a quelques jours, je coanimais avec mon amie Martine Scalzotto   un atelier en ligne autour du thème "(Ré)apprendre à s'aimer", auquel participaient des personnes qui se reconstruisent après avoir vécu la violence. Au cours de cette soirée, j'ai évoqué tous les petits manques d'amour, conscients ou inconscients, que nous nous infligeons au quotidien comme autant de violences miniatures et qui finissent par nous persuader que nous sommes nul(le)s.

Tous les : "Je n'aime pas (telle ou telle partie de mon corps, de ma personnalité)", "je ne suis pas capable de", "je n'ai jamais réussi à", "si j'avais su, je..." (suivi de ce temps terrible que j'emploie le moins possible : le conditionnel passé, le temps de l'amer-tue-me). Toutes les fois où on se force à quelque chose qui ne nous convient pas pour satisfaire ou donner priorité à quelqu'un d'autre (un parent, un enfant, un chef, un voisin, la mode, les conventions sociales...).

J'arrive à un âge où, comme le disait une image rencontrée sur la toile, j'ai conscience que "je suis parfaite, mais pas tout le temps : je suis parfoite".  En recherchant cette image, j'ai découvert qu'on peut même s'offrir le T-shirt ou le pull avec la citation!

Etre parfoite me libère de la nécessité d'être parfaite et me donne le droit de m'aimer quoi qu'il arrive, que je sois fière de moi... ou non. Nom d'une lutine zinzin, pourquoi n'ai-je pas pris conscience de ma parfoititude avant ? Je n'en sais rien, mais je ne vais pas me mettre à parler au conditionnel passé ! 

Avec ou sans la panoplie, je me sens parfaitement bien en parfoite et c'est ce que je vous souhaite aussi. Oui, même les jours où vous sentez comme ça (clic !), surtout les jours où vous vous sentez comme ça !

Envoyez sur les roses le tatillon ou la délichieuse en vous et invitez à vos côtés, plutôt, le/la parfoit(e). Vous pourriez apprécier sa compagnie (conditionnel... présent ! Un excellent ami dont je recommande la fréquentation : c'est le temps de tous les possibles !)


 

Un coucou... du Brésil !

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Un coucou du Brésil !

                                                                                                                                                                  Photo : www.routard.com

 

 "L'eau douce gouttant sur la pierre dure finit par la percer"

Proverbe brésilien

  

Ce matin, au réveil, j'ai trouvé dans ma boîte le mail suivant :

 

Bonjour Madame Ptitsa,

Je m'appelle Fábio Cordeiro et je suis étudiant de Littérature et Langue française dans l'Université de Brasília, au Brésil.

Cette semestre, je suis inscrit dans une classe de Littérature des Pays Europpene Francophone (pas France), c'est une Matière facultatif. On étudie 3 pays: Luxembourg, Suisse et Belgique. La semaine prochaine je vais présenter un exposé sur une ouvre de un ecrivant de Luxembourgue et mon professeur a choisi votre livre: "Histoires à Grandir Debout".

Donc, je le écrit pour informer que votre travail est connu hors de l'Europe, et pour demandé si vous pouvez envoyer un mesage a les estudiantes de ma classe.

Cordialement,

 

Fabio Cordeiro"

 

Merci pour cette belle surprise à Fabio et à son professeur, à qui je vais bien évidemment répondre ! Je savais que mes livres sont lus au Québec, dans le Maghreb ou dans les Antilles, mais j'étais loin d'imaginer qu'ils avaient franchi aussi les frontières de la francophonie !

 

 

Le dernier morceau de ciel

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Quand tu passes ta main avec ce geste particulier dans tes cheveux, c’est que tu es en souci, je le sais bien. Après tant d’années passées discrètement à tes côtés, à assister aux péripéties répétées de ta vie quotidienne, je peux lire dans tes pensées et deviner instantanément tes émotions les plus intimes… celles que, par pudeur et générosité, tu retiens, la plupart du temps. Comme en ce moment même.

Tu es inquiet parce que la toile ravaudée du chapiteau craque sous l’usure, que l’écuyère s’est blessée au talon et que le trapéziste rêve de s’embarquer pour l’étranger, sans parler du funambule dont la mélancolie se dilue lentement dans l’alcool. Hier soir, tu as perçu des éclats de voix en longeant la roulotte de la jongleuse et du dompteur. Tiendront-ils encore longtemps la route ?...

La route… Elle est tellement glaiseuse en ce moment que les roues de bois s’embourbent et rendent votre progression pénible, cahotante, impossible, même, à certains moments. Le froid et l’humidité n’incitent pas les gens à venir au spectacle. Ils préfèrent rester chez eux, au coin de la cheminée ou du poêle… pour ceux qui ont encore de quoi se chauffer.  La crise de 29 a laissé des traces. Vous êtes des itinérants encore sous abri. Les rues sont envahies d’errants qui n’en ont plus…  Le malheur est une chose relative quand on prend le temps de bien y songer.

Même le clown, oui, le clown ! Ce fidèle allié qui t’accompagne depuis le tout début de l’aventure, qui a vu évoluer d’année en année les détails du spectacle, qui t’en a même soufflé certains, même le clown avec son large sourire lunaire rouge vif au milieu de son masque pâle reconnaît qu’il est de plus en plus difficile de trouver des emplacements où on vous accepte… et des spectateurs pour remplir les gradins. Les feux de la rampe et les paillettes de vos costumes ne pétillent plus dans vos prunelles désertées par l’étincelle.

Le coup de grâce vous a été porté la semaine dernière, quand vous avez partagé la dernière recette et dû constater que, cette année, il n’y aurait pas de Noël pour vos enfants. La somme ne couvrait même pas les dépenses essentielles du cirque. Alors qu’il faudrait d’urgence changer certains câbles, renouveler le stock de viande pour les fauves, sans parler de l’état du chapiteau…

Voilà ce qui t’agite à cet instant, quand tu évites dans le miroir ton visage marqué par l’âge et les épreuves dont le cerne noir, sous ton regard, ne doit plus rien au maquillage. Moi qui dis l’avenir, je vais te rassurer, pourtant. Ton cirque ne va pas s’éteindre comme un lampion passé dont la bougie a épuisé sa cire. D’autres inspirations viendront. D’autres idées, d’autres numéros, d’autres artistes… et même l’argent qui vous fait tant défaut actuellement. La chance tourne, mon ami. Elle tourne comme les aiguilles finement ciselées du cadran qui rythme ta vie, notre vie, juché sur les moulures désuètes de la cheminée dont le vernis s’écaille, depuis toutes ces années où ma sollicitude t’accompagne. Tours de cadran, tours de magie, tours de piste.

Relève-toi. Tu as encore de quoi allumer un feu. Pour Noël, vous offrirez un spectacle en famille aux enfants, auquel tous prendront part. Un spectacle rien qu’entre vous, rien que pour vous, sans public, sans applaudissements, sans contraintes, sans tensions, une fête chaleureuse et sonore dans la joie simple d’être réunis. Parce qu’elle est là, la vraie richesse des gens du cirque. Oui, votre existence est parfois convulsive, elle gémit et se tend comme la toile élimée du vieux chapiteau. Mais la vie continue. Ensemble. Pourquoi ? Parce que vous ne pouvez vendre du rêve que si son élan vous fait vous envoler aussi. La première magie du cirque, c’est celle-là. Celle de rallumer l’espérance éteinte, le temps d’un soir, puis de recommencer, soir après soir, sans faillir, sans faner, sans ternir, sans tomber… un travail de haute voltige, hasardeux, dévoué, sans filet.

De ta roulotte dont les miroirs décuplent l’espace exigu, ton foyer où crépite mon chant cadencé d’horloge jusqu’au cœur de ton hiver, ne m’entends-tu donc pas te ranimer, directeur ? Vous n’êtes pas seulement les étoiles de la piste :  vous êtes aussi, sur terre, un peu en miroir celles du ciel.



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