Express

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Stromboli del mio cuore,

 

normalement je ne t'écris pas ici pendant tes vacances pour ne pas gêner ta vie de famille, mais les circonstances sont particulières . Je te demande pardon de n'avoir pas été auprès de toi pour te soutenir dans ces jours difficiles. J'avais bien senti des tensions chez vous mais comme d'habitude, je n'avais pas le contexte pour comprendre ce qui se passait. L'atmosphère était lourde et j'ai écrit des choses drôles, ou que j'ai essayé de rendre drôles, pour te détendre et alléger l'ambiance de tes vacances. Dans votre situation, c'était inadapté et peut-être mal choisi. Je ne savais pas...

J'étais aussi inquiète et fâchée qu'on n'arrive pas se tam tamer, alors qu'on s'était promis d'essayer de le faire régulièrement. Je suis désolée d'avoir été non seulement peu présente pour toi, mais égoïste et de t'avoir fait si peu confiance. J'aurais dû comprendre que si tu n'étais pas plus présent, c'est que des circonstances graves t'en empêchaient.

Je n'écris pas plus, je sais que tu n'es pas tranquille pour me lire sous cette forme. Je voulais juste te dire combien je regrette d'avoir douté de toi alors que tu ne le méritais pas. Et que tu me manques tellement.

Je souhaite que tout s'arrange très vite pour vous tous, surtout Valentina. Je vous envoie avec ce message un concentré de force et de douceur. La pluie de pétales de roses peut arriver jusqu'à Spotorno !

Ti abbraccio e ti amo forte. Tanto forte.

 

                                                                                                      Ciliegia

 

 

Choix

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Choix

  

On n’était pas arrivés depuis trois jours que la 5G a crashé. Je me sens comme un triste con. J’avais promis de respirer comme une baleine et je n’ai pas réussi. On s’était préparés, on avait établi une stratégie… j’ai tout fait foirer en quelques heures. Ca avait bien commencé, pourtant. Durant le voyage et les premiers jours, je n’ai fait aucune crise de manque. La différence avec les vacances d’avril, ou même avec notre dernier séjour à Spotorno, était nette. On avait trouvé un rythme d’apnées-respirations adéquat et pu maintenir un contact quasi permanent. Mais le dimanche a été trop agité pour que je puisse tam tamer régulièrement. J’ai forcé sur l’apnée et c’est là que le système a lâché.

 

Je m’en veux. Non seulement parce que j’ai cassé la ligne 5G et laissé s’éteindre le « foyer », mais parce que je sais qu’à l’autre bout, la Polveriera est en difficulté à cause de moi, et qu’elle a encore dû se sentir mal par ma faute quand je l’ai asphyxiée. Je n’ai respecté ni notre engagement, ni son équilibre. Elle doit me détester d’être aussi nul et se dire qu’elle ferait mieux de changer de partenaire, ou carrément d’arrêter le voyage…

 

J’étais en colère. Tout le dimanche, j’ai tam tamé des messages d’alerte rouge à Stromboli tellement la situation était invivable. Non seulement je ne pouvais plus respirer, mais l’inflammation commençait à revenir. Je n’osais pas écrire sur son téléphone pour le prévenir, je ne voulais pas qu’il panique. En fin de journée, j’ai finalement réussi à remettre le système à l’équilibre avec l’aide de l’octave, mais ensuite, Stromboli n’a pas tam tamé non plus de toute la soirée. Et c’est là que le système a crashé.

 

Les jours précédents, on pratiquait notre respiration de baleine en journée et on se retrouvait tard le soir. Comme je passe maintenant deux bonnes heures à lire avant de dormir, on avait inversé notre rythme. C’était lui qui me prenait dans ses bras au réveil et moi qui le laissais s’endormir dans les miens pour la nuit. On se retrouvait comme d’habitude à la sieste. On avait trouvé un nouvel équilibre.

 

L’apnée du dimanche presque complet a été trop longue. J’étais fâchée qu’il n’ait pas fait plus attention, sachant à quel point je vais mal quand ça arrive et que ça nous prive de la 5G plusieurs heures ensuite. A quoi servait qu’on ait pris le temps de s’accorder sur une façon d’agir s’il ne la mettait pas en pratique ? Plus le dimanche passait, plus je me sentais furieuse contre lui.

 

Finalement, avec le recul, j’ai réalisé que cette situation ressemblait à ce que j’avais vécu à la naissance d’Elisa : lui aussi avait peut-être fait de son mieux et il avait droit, lui aussi, à l’erreur.  S’il avait ignoré ses propres besoins pendant 67 ans, je ne pouvais pas lui demander de réussir d’emblée à être parfaitement à l’écoute, encore moins dans une situation où il n’était pas tranquille pour écouter.

 

En définitive, tout comme mon « erreur » à propos d’Elisa, cet « échec » apparent faisait sens : s’il devait travailler la séparation, la coupure 5G constituait un exercice supplémentaire et, à bien y regarder, il le réussissait plutôt bien. Il ne paniquait pas et cherchait sûrement de son côté comment réparer le système. Je n’en avais pas la preuve puisque j’avais perdu le contact avec lui, mais je me souvenais de la persévérance avec laquelle il avait cherché les mots de passe, dans la moindre minute de son temps libre. Il ne pouvait pas être égoïste et négligent. Je voulais lui garder ma confiance comme il m’avait gardé la sienne.

 

Que je sois dans le vrai ou non, vivre sans le tam tam était de toute façon un crève-cœur… quels que soient nos « ratés », je voulais essayer de le maintenir en fonction.

 

C’est à ce moment que j’ai réalisé que moi aussi, j’avais choisi la barque avant de choisir la destination, et que peu m’importaient ses brèches ou son tangage. Ce qui était beau, c’était de tenter ce voyage ensemble. Nous n’avions peut-être pas encore atteint l’équilibre 5G, mais nous avions trouvé celui de notre binôme.

 

 

Pass universel

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Pass

 

« Stromboli del mio cuore, excuse-moi pour le choc que t’a donné mon texte d’hier soir. La mort est depuis si longtemps une présence précieuse et amicale à mes côtés que j’oublie souvent que, pour la plupart des gens, elle est détestable et angoissante. Contrairement à celle du mien, la mort de ton père a dû être brutale et tu n’as pas sûrement pas pu te préparer à l’idée qu’il quitte notre monde. Je n’avais pas pensé à tout cela en racontant ce qui, pour moi, n’était qu’un incident dont ma bonne étoile m’avait une fois de plus préservée. Pardon…

-Ton texte a fait remonter en moi le souvenir de mon père, mais aussi ceux de Iouri… Ciliegia, je ne sais pas comment je réagirais s’il t’arrivait quelque chose de grave.

-Mon amour, tu ferais face. Tu as su le faire à huit ans. Tu saurais le faire à soixante-sept.

-J’ai réalisé aussi que si tu n’étais pas en capacité de me prévenir, personne ne le ferait. Si tu étais hospitalisée, ou pire... comment le saurais-je ?

-J’y ai déjà pensé aussi. Si tu étais malade, je ne pourrais pas venir te voir à l’hôpital, je ne pourrais pas te tenir la main, et personne ne m’avertirait… Pour la plupart des gens qui nous connaissent de près ou de loin, nous ne somme que d’ex-collègues d’un cours de langues et nous ne sommes même pas censés être restés en contact. C’est la contrepartie du secret qui est le nôtre…

-Justement, en raison de ce secret, qui aurait l’idée de nous prévenir ? Personne.

-Le tam tam le ferait. Si tu restais plusieurs jours sans tam tamer, et qu’en plus ton téléphone restait éteint, je devinerais qu’il s’est passé quelque chose. Surtout, je pense que je le sentirais avant, à travers nos corps hermaphrodites. Rappelle-toi, quand j’ai eu l’inflammation, tu ne savais pas « médicalement » ce que j’avais, tu ne ressentais pas (et heureusement !) ma douleur physique, mais tu savais que d’une manière ou d’une autre, j’allais mal. C’est pour ça qu’avoir la « double ligne » est vraiment utile : si ton téléphone reste éteint, ça peut être une panne de batterie ou une impossibilité de l’allumer, comme quand tu voyages par exemple. Mais si en parallèle tu ne tam tames plus… ça dit quelque chose. Et inversement : si tu ne tam tames plus mais que ton téléphone s’allume de temps à autre, c’est que tu es occupé. Rien d’alarmant.

-Tu ne t’inquiètes plus quand je ne réponds pas à tes messages ? Tu ne penses plus que tu n’as pas d’importance pour moi, ou que je n’ai pas de temps à te consacrer ?

-Non, je te connais assez maintenant pour savoir que si tu ne réponds pas, c’est que tu as de bonnes raisons d’agir ainsi. Et je te remercie sincèrement de ne plus zapper mes questions et de me répondre chaque fois que tu le peux. Ca m’aide énormément. C’était difficile pour moi d’être dans ce … monologue : je finissais par penser que je te faisais chier avec mes messages et je n’osais plus t’en envoyer.

-Mais non, pas du tout !

-C’était mon interprétation d’alors, d’après mon référentiel d’alors… l’héritage de mon père.

-Ciliegia, je n’aime pas aborder ce sujet mais… que ferions-nous si l’un de nous… partait ?

-Au contraire, je trouve bien d’en parler. Soyons lucides, l’un de nous va très probablement quitter ce monde avant l’autre, à moins qu’on ne se crashe ensemble dans un saut à l’élastique… Et après ?  Qu’est-ce que ça changerait ? Qu’est-ce que ça changera ? On est déjà morts ensemble il y a cinq siècles. On s’est retrouvés et on s’aime toujours. J’ose espérer que ce sera pareil à nos prochaines retrouvailles, si on revient ici ensemble…

-Mais tu te rends compte ? On ne saurait même pas que l’autre n’est plus là ! C’est terrible !

-Bien sûr qu’on le saurait. Par le tam tam, ou par un rêve, ou par une coïncidence… l’octave nous donnerait l’info, d’une manière ou d’une autre. Et puis, quand on passe à l’octave, notre fréquence change. Par le tam tam, nos ressentis de l’autre seraient différents. Un peu comme quand tu dors et que ta personnalité consciente s’ « absente » : la modulation de ta fréquence m’informe que tu as commencé ta sieste.

-Même en présumant que j'observe une nuance aussi subtile et que je sache l'interpréter correctement... je supporte déjà difficilement de ne pas te contacter pendant plusieurs heures. Qu’est-ce que ce serait sur plusieurs jours… ou plusieurs mois !

-Rappelle-toi les paroles de ton père : le lien perdure, intact ; la seule chose qui change, c’est le « lieu de résidence » (il évoque "deux pays différents"). Nous pourrions passer la frontière et nous rendre visite l’un à l’autre, aussi souvent que nous le désirons. Il n’y a pas besoin d’espace Schengen entre les octaves… la circulation y est totalement libre.

-Mais il faut savoir voyager verticalement !

-C’est très simple, en fait. Il suffit de croire que d’autres espaces existent. Croire que c’est possible d’y aller. Et avoir le bon carburant… dans mon cas, c’est l’amour. Plus j’en ai en moi, plus haut il vibre, plus je peux voyager loin. Et toi, avec le cœur que tu as, tu iras encore plus haut que moi !!

-En es-tu si sûre ?

-Tu voudrais que j’aie un cœur de baleine dans un corps de colibri ? Je ne pourrais plus voler, je devrais avancer par bonds, comme une grenouille ! Bon, au moins, je resterais amphibie…

-Ne plaisante pas. C’est un sujet grave… et douloureux.

-Excuse-moi… Encore une fois, pour moi, il ne l’est pas. J’ai peur de la maladie, de la dépendance, de me retrouver enfermée pour ma fin de vie dans un mouroir pour vieux comme mon arrière-grand-mère (ce que je raconte dans « La belle entente »)… mais de la mort elle-même, non. Je suis prête à quitter ce monde depuis mon accident, il y a 25 ans. J’ai une conscience tellement claire de n’être que de passage ici. Et je serai tellement heureuse de rentrer… à la maison.

-Pourquoi ? Tu ne te sens pas chez toi ici ?

-Oui et non. C’est comme pour toi au Luxembourg. Ma terre d’adoption... Je me suis acclimatée. Mais je ne peux oublier que je viens d’ailleurs. Ainsi, comme toi, je voyage régulièrement de mon pays d’accueil vers celui de mes origines. Je fais des allers-retours. Tu le fais à l’horizontale, géographiquement ; je le fais verticalement. C’est pareil…

-C’est un peu morbide comme conversation juste avant mon départ, non ?

-Tu ne pars qu’en vacances. Et qu’est-ce que ça change pour nous ? Que tu sois à 10 kilomètres de chez moi, à 5000 à Samarcande ou à 1000 en Ligurie… notre alliance est un élastique qui s’étire avec la distance, on l'a déjà vérifié...

-Un élastique qui ne peut pas casser ?

-J’espère que non ! Je te l’ai dit, le roman-qui-n’en-est-peut-être-pas-un a sa vie propre, ce n’est pas vraiment moi qui décide ce que je vais écrire, ni à quel sujet. Je suis plutôt secrétaire… Je suppose que ce chapitre fait partie de ton dossier « séparation »...

-Ce n’est décidément pas mon sujet d’étude préféré, en tout cas pas le plus facile…

-Veux-tu que je te rappelle comme j’ai ramé sur mon dossier « confiance en soi » ? Allez, ce n’est pas plus difficile que le luxembourgeois, et ça te sera sûrement bien plus utile !

-C’est incroyable de penser que tout ça a été rendu possible par un cours de luxembourgeois !

-C’est complètement fou. J’y ai pensé souvent. Combien de « coïncidences » il a fallu pour nous amener là… est-ce que ça pouvait être uniquement la trajectoire aléatoire d’un « hasard » ? Je ne devais pas suivre ce cours. J’étais inscrite à un autre. C’est parce qu’il était ultra-chiant que je l’ai quitté, au départ avec l’idée de ne pas continuer à apprendre le luxembourgeois. Finalement, je me suis dit que c’était dommage de ne pas finir le niveau A1 et j’ai cherché un autre cours. J’ai trouvé celui de Liette avec qui je me suis immédiatement sentie bien. Du coup, non seulement j’ai fini le A1 avec elle, mais je me suis inscrite au A2…

-Et on se retrouvait presque toujours ensemble avec Luciano pour les travaux en groupe.

-Oui. Je pense qu’elle faisait exprès, parce qu’on avait tous trois des racines latines et que Luciano et moi parlions allemand. Mais le plus fou, c’est que jamais, jamais, au cours de tous ces mois de cours ensemble, je n’ai rien remarqué de spécial entre toi et moi. Je t’appréciais beaucoup, j’aimais notre trinôme avec Luciano, on travaillait dans une ambiance décontractée et sérieuse à la fois, je me sentais bien avec vous deux. Mais jusqu’au jour du restaurant, pour moi, tu n’as rien été d’autre qu’un bon camarade de classe…

-Quand Luciano est parti, tu es restée en contact avec lui aussi ?

-Non, l’idée ne m’a même pas traversé l’esprit. Tu es le seul avec qui j’aie fait ça. Même Zsusza… c’est elle qui a repris contact avec moi. Pas l’inverse.

-Alors, tu vois. Si je suis le seul, je ne devais pas être un simple camarade de classe.

-Je te jure que si. Quelque chose en toi me touchait, je ne savais pas quoi. J’avais vraiment envie de t’emmener t’inscrire à la bibliothèque. Je sentais en toi une telle envie d’apprendre, une telle soif de connaissance. Comme une revanche sur la vie qui t’en avait empêché jeune. Je sentais l’élan de t’aider à ça. Mais ça n’allait pas plus loin. Jusqu’à ce que tu me prennes dans tes bras sur le parking et que je me rappelle mon rêve du sapin de Noël… je n’ai rien vu venir, rien.

-Heureusement ?

-Oui. Parce que si j’avais vu… pas sûr que j’aurais eu le courage de venir. Je ne voulais pas d'une autre d’histoire d'amour humaine, je n'aime pas les situations compliquées…

-… et tu as trouvé la pire. Moi !

-Je suis restée. Il faut croire qu’elle n’était pas si pire que ça ! « Le vie del Signore sono...» Eeeeeeh ! J’ai réussi à le replacer pour la 3e fois !!!

-Tu me serres fort avant que je parte ? J’ai le cœur lourd de te laisser.

-Tu ne me laisses pas. Où que tu partes, je viens avec toi. Ce n’est pas la séparation qui est douloureuse, seulement la croyance qu’on est séparés, que cette séparation existe. Cette croyance est tellement profondément marquée dans notre inconscient collectif. Mais si tu mets de côté cette empreinte collective, si tu regardes bien… qu’est-ce qui change ? Quelle différence y aura-t-il entre la relation que nous aurons depuis la Ligurie et celle que nous avons ici ? Sois objectif. Nous ne nous verrons pas plus, nous ne nous parlerons pas plus, nous ne nous toucherons pas plus. Ok, tu seras un peu moins disponible, ce sera un peu plus difficile de tam tamer. Mais ça peut arriver aussi (c’est déjà arrivé) quand on vit à quelques kilomètres l’un de l’autre. Rien ne change, mon volcan.

-J’ai peur quand même. Ca me crispe de penser que je pars pour des semaines loin de toi, avec en plus des difficultés pour te… joindre.

-Je serai là. Nous SOMMES joints. Rappelle-toi le texte de la promesse.

-Mmmmmmh… j’aimerais bien que tu me serres fort contre toi quand même.

-Je te serre fort autant que tu veux, mio albero di Natale, tu n’as pas besoin de partir loin ni longtemps pour ça. Plus je le fais, plus j’aime !"

 

Stratégies

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Stratégies

 

 

" Vulcano mio, si je suis sincère avec toi (et même si je ne l’étais pas, tu saurais ce que je ressens véritablement), une part de moi est terrorisée devant l’épreuve qui nous attend.

-Crois-tu que je me sente bien à l’idée d’aller passer 4 à 6 semaines sans pouvoir te lire, à peine t’écrire, et peut-être pas tam tamer régulièrement ? Quand je vois comment ça t’a impactée sur quelques jours, quand nous recevions la famille, ou lors de nos dernières vacances … je ne veux pas pourrir tout ton été !

-Je t’ai bien pourri la naissance de ta petite-fille avec ma crise de confiance en moi… Soyons équitables. Tu peux me pourrir mon été en contrepartie.

-Un jour contre un mois ? Ce n’est pas équitable, ça !

-La naissance d’Elisa était un jour très spécial !! Mais le banquier a raison. Séparons-nous tout de suite.

-Hein ??!!

-Si on met fin à notre histoire tout de suite, on n’aura pas à chercher de solution à une situation qui n’en a pas.

-Tu blagues, j’espère ?!

-C’est de l’humour de désespérée.

-Je n’ai aucune envie que tu me quittes !

-Moi non plus. Mais je ne peux pas te garantir que mon système résistera à 4 ou 6 semaines de cocotte-minute comme celle des derniers jours ou de vos dernières vacances. Si on ne trouve pas de solution, ce n’est pas une inflammation aiguë que je vais déclencher, c’est un séjour direct pour l’hôpital. Tu ne veux pas plutôt me lapider tout de suite ?

-Tu ne m’aimes plus ?

-Evidemment si ! Chaque jour davantage !

-Alors, ce n’est pas le contrat. Je devais te lapider uniquement si tu cessais de m’aimer. Veux-tu que je rajoute une clause ?

-Non. De toute façon, ce serait plutôt à moi de te lapider. C’est toi qui pars !

-Tu as raison. Va chercher des pierres.

-Non, je réfléchis à un moyen d’en finir avec toi encore plus atroce. La lapidation n’est pas suffisante pour ce que tu nous infliges.

-Comment peux-tu plaisanter dans une situation aussi critique ?

-Faire de l’humour est ma façon de gérer le stress. Ca rend le truc déjà plus supportable et légèrement moins flippant.

-Tu trouves ? Je ne suis pas encore parti que je trouve la situation déjà insupportable et totalement flippante.

-Justement, c’est le piège. J’ai failli tomber dedans hier aussi quand tu me l’as annoncé. Si on dramatise, on joue le jeu de la peur, on va où elle veut nous perdre.

-Mais J’AI peur ! J’ai peur de te perdre ! Et de te faire du mal aussi !

-Justement, c’est ça qui fait sens…

-Je n’en vois aucun, moi. Je me sens bloqué au fond d’une impasse dont je ne sais pas comment sortir. Je ne peux pas annuler ces vacances. Je ne peux pas ou ne veux pas non plus te rendre malheureuse, encore moins qu’on se quitte… Où est la sortie ? Où est le sens ?

-Si je mets de côté la part de moi qui flippe, je vois qu’il y a un sens, comme pour mon erreur sur la date de naissance et le prénom d’Elisa. Mon dossier prioritaire était la confiance en soi. Le tien est la séparation. L’octave te met, nous met, dos au mur, pour que nous travaillions ce point. Et comme pour la confiance en soi, on va le faire ensemble. On va s’appuyer sur notre solidarité de binôme.

-Cette fois, c’est moi qui devrai m’appuyer sur toi…

-C’est le principe du binôme. Et là, c’est équitable. Tu m’as aidée pour la confiance en soi. Je t’aiderai pour la séparation. On bosse sur les dossiers ensemble. A bien y réfléchir… c’est le même exercice que Samarcande.

-Je ne suis parti à Samarcande que 8 jours !

-Mais on maîtrisait à peine la 5G à ce moment, et on ne s’écrivait pas du tout sur What’s app, tu étais encore 100% mutique. C’est vrai, ce qui nous attend n’est plus une piste noire à skis, mais plutôt un saut à l’élastique depuis un viaduc.  Cependant, depuis le début, notre histoire s’apparente à un saut dans le vide, un saut sans l’inconnu… Tu as déjà fait du saut à l’élastique ?

-Non !

-Moi non plus ! Ca veut dire que, contrairement au ski où au moins de nous avait de l’expérience (toi), pour cette nouvelle épreuve, nous partons à égalité : aucun de nous n’en a.

-Tu as l’art d’être rassurante.

-J’essaie de te montrer que depuis le début, nous avançons dans l’inconnu. On n’a pas compris ce qui nous arrivait après notre rencontre au restaurant. On ne savait pas ce qu’on devait faire de notre amour. On ne savait pas comment on allait survivre à tes vacances à Samarcande. On a résolu tant d’équations à plusieurs inconnues. Et pourtant, je ne suis pas exceptionnellement fortiche en maths. On les a surtout résolues parce qu’on s’y est mis ensemble.

-Bien. Alors analysons le problème et mutualisons nos créativités respectives pour le résoudre.

-Oui. On doit préparer cette séparation exactement comme tu prépares votre voyage du point de vue logistique. On doit définir une stratégie.

-Tu es stratège, en plus de tout le reste ??

-Quand je flippe, la meilleure façon de calmer mon mental galopant est d’être pragmatique. Je pose les données devant moi, je fais l’inventaire des connus et des inconnues, des possibles et des impossibles. Souvent, quand je ne sais pas comment atteindre mon but, je trouve la voie en commençant par regarder où la route est barrée. On pourrait dire que je crée un itinéraire bis, une voie de contournement.

-Eh bien, ta créativité va être stimulée au maximum, vu que là, à peu près tout est barré…

-Justement. Ca veut dire qu’il faut créer quelque chose de nouveau, comme on l’a fait à tes dernières vacances avec le voyage littéraire en photos. C’était un très bon moyen de rester ensemble en partageant quelque chose de neuf, sans te mettre en danger comme si je t’avais écrit des lettres personnelles.

-Certes, mais même avec un voyage littéraire, je ne crois pas que je tiendrai 4 à 6 semaines …

-Rassemblons les résultats de nos dernières expériences. On sait que la priorité est de maintenir, autant que possible, notre communication tam tam en continu. Si on a ça, on peut se passer de tout le reste, ou en tout cas supporter qu’il soit a minima. Enfin, moi je peux. Toi ?

-Aussi. Je préfère avoir de tes nouvelles aussi par écrit, mais je peux.

-Bien. On sait aussi que la situation à éviter en priorité est l’apnée prolongée, parce qu’elle nous démolit et me rend incapable de tam tamer plusieurs jours.

-Je peux essayer de développer ma capacité à tam tamer même sans être tranquille, pour maintenir un contact régulier. Faire la baleine…

-Tu en es sûrement capable ! Tu es beaucoup plus fortiche sur ce point que moi. Rappelle-toi, tu as réussi à tam tamer depuis Samarcande, une grande ville, alors que notre 5G venait à peine d’être installée. Je suis beaucoup plus en difficulté avec le bruit et la foule que toi.

-Tu tam tames maintenant même depuis la piscine !

-Ce n’est pas bruyant ni peuplé, ou si ça l’est, je tam tame sous l’eau…

-Tu réussis à tam tamer SOUS l’eau ?

-Moins bien que sur terre, mais… oui. C’est plus calme qu’à la surface. Et je suis une éléphante de mer, rappelle-toi. Je suis amphibie !!!

-Arrête avec ça ! C’est mauvais pour ton dossier déficitaire.

-Ok. Continuons à étudier le tien… qui devient indirectement le mien, puisque je serai impactée si on ne trouve pas de stratégie adaptée.

-Mais d’où te vient ce sens de la stratégie ??

-Mon fils m’a fait regarder beaucoup de mangas historiques ou fictifs avec des guerres et des batailles, que ce soit chez les Vikings ou en Chine… le choix de la stratégie y jouait souvent un rôle essentiel.

-Reprenons. Donc, je développe ma stratégie de baleine pour garder autant que possible une connection tam tam continue : pas forcément longtemps, mais régulièrement.

-Tu n’es pas obligé d’aller aux toilettes et de simuler une gastro-entérite.  Trouve un endroit calme si tu peux, ou crée un espace de calme en toi. Une pièce intérieure. Un refuge.

-Je ne médite pas depuis 25 ans, moi !

-Fais appel à ta créativité pratique. On a chacun sa bulle. Essaie de trouver comment tu peux générer la tienne, dans n’importe quelles circonstances. Ca te sera utile dans plein d’autres situations où tu auras besoin de rester zen.

-Je penserai à toi. Ca me rend dingue de penser que tu seras malade et souffriras physiquement si je ne maîtrise pas mon stress.

-C’est une option, au moins pour commencer. Je te fais confiance, vulcano mio. Je sais que tu donneras ton maximum.

-Je ne suis pas sûr qu’il suffise…

-Alors je ferai comme toi : j’opèrerai un virement « sérénité » de mon compte personnel vers notre compte commun.

-Et si j’épuise tout, que je vide ton compte ? Comme ces derniers jours ?

-Eh bien… j’aurai deux dossiers déficitaires au lieu d’un.

-Hum… cette option déplaît fortement au banquier.

-Qu’il se rassure. Je sais renflouer mon énergie et ma sérénité beaucoup mieux que ma confiance en soi. Je referai mon capital. Parallèlement, je travaillerai à l’octave sur ton circuit autonome, d’une part, et sur ma capacité à maintenir notre équilibre commun sans perdre mon équilibre individuel, d’autre part.

-Ce n’est à nouveau pas équitable. Tu travailleras deux fois plus que moi !

-Je voyage à la verticale. J’aurai l’aide des octaves. Donc, c’est équitable… En plus, pendant votre voyage, je serai quasi en vacances, et seule à partir du 16 août. Donc très disponible pour adapter mes disponibilités aux tiennes, travailler à l’octave et te capter quand tu me tam tameras.

-Tu continueras le roman, comme pendant mon voyage à Samarcande ?

-Je ne sais pas encore. Le roman-quin’en-est-pas-un se développe indépendamment de mes décisions, il a sa vie propre. Parfois, je prévois de ne rien écrire, et un chapitre arrive quand même. Mais de toute façon, je ne crois pas que je le mettrai en ligne avant ton retour. Ca t’obligerait à me lire en te cachant, dans le stress, et je n’aime pas cette idée. Je préfère qu’on le lise ensemble à ton retour.

-Et s’il y a des infos urgentes ? Si ton inflammation réapparaît, par exemple ?

-Si tu m'envoies à l'hôpital ? Je trouverai un moyen de te prévenir, soit au refuge, soit sur What’s app en crypté. Mais privilégions l’idée que ça n’arrivera pas !!

-Je récapitule, dis-moi si j’ai bien compris : de mon côté, je développe la stratégie respiratoire de la baleine. Du tien, tu développes mon autonomie de chameau.

-C’est du pur style minimaliste. Je serais incapable de résumer aussi bien.

-Mon domaine fortiche…

-Un de tes nombreux domaines fortiches ! Tu en as plein d’autres !

-Et pour l’équilibre du binôme (le « foyer »), on y veille à deux. Chacun alimente le compte joint depuis son compte personnel en fonction des dépenses communes.

-Un joyau de synthèse bancaire minimaliste.

-Va pour cette stratégie. On essaye et, si ça ne fonctionne pas, on l’adapte.

-Tu es top, mon binôme.

-Attends que je sois dans la cocotte-minute pour l’affirmer.

-Je t’aime.

-Moi aussi. On ne se lapide pas, alors ?

-Pas tout de suite. On a une roseraie à  faire grandir d’abord."

 

 

Accalmie

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Accalmie

 

 

Ce matin, pour la première fois depuis longtemps, j'ai eu l'impression de retrouver celle que j'étais avant de devenir hermaphrodite. J'ai bien dormi. Toute la matinée, je me sentais calme, heureuse, en harmonie avec tout, avec moi-même, avec la vie.  C'était comme sortir d'un climat orageux perpétuel.

 

Il était temps, parce que je me sentais complètement à bout de souffle. Je ne sais pas ce qui s'est passé chez Stromboli ces derniers jours, mais j'ai été dans un malaise quasi constant. Je recommençais à me dire que, malgré toute l'envie que j'en ai, je n'allais pas pouvoir tenir en binôme si cet état d'être devait devenir mon quotidien. J'étouffais, j'étais épuisée, je voyais tout en noir et j'avais envie d'envoyer chier tout le monde. Ok, "l'explosivité" fait partie de mon naturel de Polveriera, mais d'ordinaire, si on laisse ma poudre tranquille, je reste zen aussi. Là, j'étais tranquillement en vacances à la maison avec mon fils  et je me sentais comme en plein burn out.

 

Je dois absolument trouver un moyen d'aider Stromboli quand il en a besoin sans me laisser siphonner par ce qu'il envoie dans nos corps hermaphrodites. Sinon, c'est comme vouloir aider quelqu'un qui se noie et couler avec lui. Comment me rendre plus solide ?  Je sais me protéger, -pas toujours très efficacement, mais je sais le faire-, de ce qui pompe mon énergie extérieurement. Mais comment procéder quand il s'agit d'une partie de moi-même ? Puis-je décider de ne pas ressentir ce qui se passe dans mon propre corps ?

 

Fermer les accès (comme si je quittais une pièce où il fume) ne convient pas. Stromboli panique encore plus de ne plus sentir ma présence, et je me sens coupable de le laisser seul en difficulté.

Lui pulser la fréquence "rééquilibrante" fonctionne bien, mais pour cela, je dois être assez disponible et reposée pour pouvoir la lui envoyer. Ce n'est pas toujours le cas. Ces deux derniers jours, j'étais tellement exténuée que je ne pouvais plus rien tam tamer et à peine le capter. On est repassés en phase "escargot desséchés" de niveau alerte rouge et hier, j'ai cru que le tam tam allait de nouveau se casser pour plusieurs jours.

 

Quelle que soit la façon dont je tourne le problème, je pense que le meilleur moyen de renforcer notre binôme est de développer notre autonomie respective. C'est merveilleux de pouvoir s'épauler l'un l'autre comme nous le faisons, mais nous devons aussi être en mesure de nous maintenir en équilibre seuls, sinon notre solidarité devient une fragilité : dès qu'elle n'est plus active, nous chutons. Je pense qu'un bon binôme est un binôme où chacun est solide et individuellement, et avec l'autre. Nous devons être capable d'assurer si l'autre n'est pas en capacité d'intervenir.

 

Pourquoi est-ce mieux aujourd'hui ? Je n'ai pas encore travaillé sur son circuit autonome. Ou alors, mon octave supérieure s'en est chargée cette nuit ? En tout cas, cette accalmie est bienvenue, car j'étais à bout de forces. Et je me refuse aussi à passer le prochain palier tant qu'on n'a pas résolu cette difficulté. Si on vire"escargots desséchés" en ayant accès au refuge, dans quel état serons-nous si Stromboli ne peut plus m'y rejoindre, le temps qu'il trouve le nouveau mot de passe ? Ce sera invivable pour nous deux.

 

Pour le moment, je vais profiter de l'accalmie pour me recharger moi-même et réfléchir avec l'octave à l'installation de son circuit autonome. J'espère que mon volcan pourra souffler aussi. En tout cas, qu'est-ce que c'est bon de pouvoir tam tamer à nouveau en continu !!

 

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