" Vulcano mio, si je suis sincère avec toi (et même si je ne l’étais pas, tu saurais ce que je ressens véritablement), une part de moi est terrorisée devant l’épreuve qui nous attend. -Crois-tu que je me sente bien à l’idée d’aller passer 4 à 6 semaines sans pouvoir te lire, à peine t’écrire, et peut-être pas tam tamer régulièrement ? Quand je vois comment ça t’a impactée sur quelques jours, quand nous recevions la famille, ou lors de nos dernières vacances … je ne veux pas pourrir tout ton été ! -Je t’ai bien pourri la naissance de ta petite-fille avec ma crise de confiance en moi… Soyons équitables. Tu peux me pourrir mon été en contrepartie. -Un jour contre un mois ? Ce n’est pas équitable, ça ! -La naissance d’Elisa était un jour très spécial !! Mais le banquier a raison. Séparons-nous tout de suite. -Hein ??!! -Si on met fin à notre histoire tout de suite, on n’aura pas à chercher de solution à une situation qui n’en a pas. -Tu blagues, j’espère ?! -C’est de l’humour de désespérée. -Je n’ai aucune envie que tu me quittes ! -Moi non plus. Mais je ne peux pas te garantir que mon système résistera à 4 ou 6 semaines de cocotte-minute comme celle des derniers jours ou de vos dernières vacances. Si on ne trouve pas de solution, ce n’est pas une inflammation aiguë que je vais déclencher, c’est un séjour direct pour l’hôpital. Tu ne veux pas plutôt me lapider tout de suite ? -Tu ne m’aimes plus ? -Evidemment si ! Chaque jour davantage ! -Alors, ce n’est pas le contrat. Je devais te lapider uniquement si tu cessais de m’aimer. Veux-tu que je rajoute une clause ? -Non. De toute façon, ce serait plutôt à moi de te lapider. C’est toi qui pars ! -Tu as raison. Va chercher des pierres. -Non, je réfléchis à un moyen d’en finir avec toi encore plus atroce. La lapidation n’est pas suffisante pour ce que tu nous infliges. -Comment peux-tu plaisanter dans une situation aussi critique ? -Faire de l’humour est ma façon de gérer le stress. Ca rend le truc déjà plus supportable et légèrement moins flippant. -Tu trouves ? Je ne suis pas encore parti que je trouve la situation déjà insupportable et totalement flippante. -Justement, c’est le piège. J’ai failli tomber dedans hier aussi quand tu me l’as annoncé. Si on dramatise, on joue le jeu de la peur, on va où elle veut nous perdre. -Mais J’AI peur ! J’ai peur de te perdre ! Et de te faire du mal aussi ! -Justement, c’est ça qui fait sens… -Je n’en vois aucun, moi. Je me sens bloqué au fond d’une impasse dont je ne sais pas comment sortir. Je ne peux pas annuler ces vacances. Je ne peux pas ou ne veux pas non plus te rendre malheureuse, encore moins qu’on se quitte… Où est la sortie ? Où est le sens ? -Si je mets de côté la part de moi qui flippe, je vois qu’il y a un sens, comme pour mon erreur sur la date de naissance et le prénom d’Elisa. Mon dossier prioritaire était la confiance en soi. Le tien est la séparation. L’octave te met, nous met, dos au mur, pour que nous travaillions ce point. Et comme pour la confiance en soi, on va le faire ensemble. On va s’appuyer sur notre solidarité de binôme. -Cette fois, c’est moi qui devrai m’appuyer sur toi… -C’est le principe du binôme. Et là, c’est équitable. Tu m’as aidée pour la confiance en soi. Je t’aiderai pour la séparation. On bosse sur les dossiers ensemble. A bien y réfléchir… c’est le même exercice que Samarcande. -Je ne suis parti à Samarcande que 8 jours ! -Mais on maîtrisait à peine la 5G à ce moment, et on ne s’écrivait pas du tout sur What’s app, tu étais encore 100% mutique. C’est vrai, ce qui nous attend n’est plus une piste noire à skis, mais plutôt un saut à l’élastique depuis un viaduc. Cependant, depuis le début, notre histoire s’apparente à un saut dans le vide, un saut sans l’inconnu… Tu as déjà fait du saut à l’élastique ? -Non ! -Moi non plus ! Ca veut dire que, contrairement au ski où au moins de nous avait de l’expérience (toi), pour cette nouvelle épreuve, nous partons à égalité : aucun de nous n’en a. -Tu as l’art d’être rassurante. -J’essaie de te montrer que depuis le début, nous avançons dans l’inconnu. On n’a pas compris ce qui nous arrivait après notre rencontre au restaurant. On ne savait pas ce qu’on devait faire de notre amour. On ne savait pas comment on allait survivre à tes vacances à Samarcande. On a résolu tant d’équations à plusieurs inconnues. Et pourtant, je ne suis pas exceptionnellement fortiche en maths. On les a surtout résolues parce qu’on s’y est mis ensemble. -Bien. Alors analysons le problème et mutualisons nos créativités respectives pour le résoudre. -Oui. On doit préparer cette séparation exactement comme tu prépares votre voyage du point de vue logistique. On doit définir une stratégie. -Tu es stratège, en plus de tout le reste ?? -Quand je flippe, la meilleure façon de calmer mon mental galopant est d’être pragmatique. Je pose les données devant moi, je fais l’inventaire des connus et des inconnues, des possibles et des impossibles. Souvent, quand je ne sais pas comment atteindre mon but, je trouve la voie en commençant par regarder où la route est barrée. On pourrait dire que je crée un itinéraire bis, une voie de contournement. -Eh bien, ta créativité va être stimulée au maximum, vu que là, à peu près tout est barré… -Justement. Ca veut dire qu’il faut créer quelque chose de nouveau, comme on l’a fait à tes dernières vacances avec le voyage littéraire en photos. C’était un très bon moyen de rester ensemble en partageant quelque chose de neuf, sans te mettre en danger comme si je t’avais écrit des lettres personnelles. -Certes, mais même avec un voyage littéraire, je ne crois pas que je tiendrai 4 à 6 semaines … -Rassemblons les résultats de nos dernières expériences. On sait que la priorité est de maintenir, autant que possible, notre communication tam tam en continu. Si on a ça, on peut se passer de tout le reste, ou en tout cas supporter qu’il soit a minima. Enfin, moi je peux. Toi ? -Aussi. Je préfère avoir de tes nouvelles aussi par écrit, mais je peux. -Bien. On sait aussi que la situation à éviter en priorité est l’apnée prolongée, parce qu’elle nous démolit et me rend incapable de tam tamer plusieurs jours. -Je peux essayer de développer ma capacité à tam tamer même sans être tranquille, pour maintenir un contact régulier. Faire la baleine… -Tu en es sûrement capable ! Tu es beaucoup plus fortiche sur ce point que moi. Rappelle-toi, tu as réussi à tam tamer depuis Samarcande, une grande ville, alors que notre 5G venait à peine d’être installée. Je suis beaucoup plus en difficulté avec le bruit et la foule que toi. -Tu tam tames maintenant même depuis la piscine ! -Ce n’est pas bruyant ni peuplé, ou si ça l’est, je tam tame sous l’eau… -Tu réussis à tam tamer SOUS l’eau ? -Moins bien que sur terre, mais… oui. C’est plus calme qu’à la surface. Et je suis une éléphante de mer, rappelle-toi. Je suis amphibie !!! -Arrête avec ça ! C’est mauvais pour ton dossier déficitaire. -Ok. Continuons à étudier le tien… qui devient indirectement le mien, puisque je serai impactée si on ne trouve pas de stratégie adaptée. -Mais d’où te vient ce sens de la stratégie ?? -Mon fils m’a fait regarder beaucoup de mangas historiques ou fictifs avec des guerres et des batailles, que ce soit chez les Vikings ou en Chine… le choix de la stratégie y jouait souvent un rôle essentiel. -Reprenons. Donc, je développe ma stratégie de baleine pour garder autant que possible une connection tam tam continue : pas forcément longtemps, mais régulièrement. -Tu n’es pas obligé d’aller aux toilettes et de simuler une gastro-entérite. Trouve un endroit calme si tu peux, ou crée un espace de calme en toi. Une pièce intérieure. Un refuge. -Je ne médite pas depuis 25 ans, moi ! -Fais appel à ta créativité pratique. On a chacun sa bulle. Essaie de trouver comment tu peux générer la tienne, dans n’importe quelles circonstances. Ca te sera utile dans plein d’autres situations où tu auras besoin de rester zen. -Je penserai à toi. Ca me rend dingue de penser que tu seras malade et souffriras physiquement si je ne maîtrise pas mon stress. -C’est une option, au moins pour commencer. Je te fais confiance, vulcano mio. Je sais que tu donneras ton maximum. -Je ne suis pas sûr qu’il suffise… -Alors je ferai comme toi : j’opèrerai un virement « sérénité » de mon compte personnel vers notre compte commun. -Et si j’épuise tout, que je vide ton compte ? Comme ces derniers jours ? -Eh bien… j’aurai deux dossiers déficitaires au lieu d’un. -Hum… cette option déplaît fortement au banquier. -Qu’il se rassure. Je sais renflouer mon énergie et ma sérénité beaucoup mieux que ma confiance en soi. Je referai mon capital. Parallèlement, je travaillerai à l’octave sur ton circuit autonome, d’une part, et sur ma capacité à maintenir notre équilibre commun sans perdre mon équilibre individuel, d’autre part. -Ce n’est à nouveau pas équitable. Tu travailleras deux fois plus que moi ! -Je voyage à la verticale. J’aurai l’aide des octaves. Donc, c’est équitable… En plus, pendant votre voyage, je serai quasi en vacances, et seule à partir du 16 août. Donc très disponible pour adapter mes disponibilités aux tiennes, travailler à l’octave et te capter quand tu me tam tameras. -Tu continueras le roman, comme pendant mon voyage à Samarcande ? -Je ne sais pas encore. Le roman-quin’en-est-pas-un se développe indépendamment de mes décisions, il a sa vie propre. Parfois, je prévois de ne rien écrire, et un chapitre arrive quand même. Mais de toute façon, je ne crois pas que je le mettrai en ligne avant ton retour. Ca t’obligerait à me lire en te cachant, dans le stress, et je n’aime pas cette idée. Je préfère qu’on le lise ensemble à ton retour. -Et s’il y a des infos urgentes ? Si ton inflammation réapparaît, par exemple ? -Si tu m'envoies à l'hôpital ? Je trouverai un moyen de te prévenir, soit au refuge, soit sur What’s app en crypté. Mais privilégions l’idée que ça n’arrivera pas !! -Je récapitule, dis-moi si j’ai bien compris : de mon côté, je développe la stratégie respiratoire de la baleine. Du tien, tu développes mon autonomie de chameau. -C’est du pur style minimaliste. Je serais incapable de résumer aussi bien. -Mon domaine fortiche… -Un de tes nombreux domaines fortiches ! Tu en as plein d’autres ! -Et pour l’équilibre du binôme (le « foyer »), on y veille à deux. Chacun alimente le compte joint depuis son compte personnel en fonction des dépenses communes. -Un joyau de synthèse bancaire minimaliste. -Va pour cette stratégie. On essaye et, si ça ne fonctionne pas, on l’adapte. -Tu es top, mon binôme. -Attends que je sois dans la cocotte-minute pour l’affirmer. -Je t’aime. -Moi aussi. On ne se lapide pas, alors ? -Pas tout de suite. On a une roseraie à faire grandir d’abord."
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