"Le saviez-vous ?" - Aller sur la colline de l'autre

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Le mois dernier, j'animais un premier atelier : "Ecriture, conte et Communication NonViolente (CNV)". C'est une nouveauté de cette année qui va s'étendre sur plusieurs mois ; je suis heureuse d'avoir pu concrétiser cette envie, car je m'intéressais depuis longtemps à la CNV, sans avoir trouvé encore comment l'intégrer à ma pratique.

Selon Marshall Rosenberg, le créateur de la CNV, "La violence est l'expression tragique de besoins non satisfaits".

Les mots sont des fenêtres (ou des murs) par Marshall B. Rosenberg ...

Mon histoire personnelle, relationnelle, professionnelle, a en effet ancré en moi ce constat : la plupart de nos conflits, individuels ou collectifs, proviennent d'un manque de moyens pour comprendre le monde de l'autre et lui permettre d'entrer en douceur dans le nôtre. L'escalade de la violence, à petite ou grande échelle, est selon moi l'expression, tragique, oui, d'un dialogue qui voudrait s'établir pacifiquement et n'y parvient pas.  Il me semble très important de me former à un outil qui offre une autre voie que l'affrontement et de la rendre accessible à d'autres.

Pour préparer l'atelier, je me suis documentée un minimum sur la CNV et j'ai appris cette expression que j'aime beaucoup "Aller sur la colline de l'autre".

 "Aller sur la colline de l’autre" est une image souvent employée en CNV. Elle décrit cette situation où deux personnes, chacune sur sa colline, observent un pommier dans la vallée qui les sépare. Comme le soleil brille toujours du même côté, seulement la moitié des pommes sont mûres. Quand la personne qui voit les pommes mûres propose à l’autre de faire un gâteau aux pommes, l’autre rétorque que ce n’est pas possible car les pommes ne sont pas mûres. Tant que chacun reste sur sa colline (comprenez, sa vision partielle de la réalité) il peut s’ensuivre une dispute sans fin. Aller sur la colline de l’autre, c’est aller constater qu’effectivement, du point de vue de l’autre, les pommes sont mûres : c’est vouloir comprendre sa réalité, ce qu’il·elle vit, voit, ressent."

(Source : https://cnvfrance.fr/)

 

L'art d'aller sur la colline de l'autre. | Sophrologie enfant ...


Il ne s'agit pas de convaincre l'autre en lui faisant adopter notre point de vue (ce serait une autre forme de violence), simplement de l'inviter à regarder selon notre perspective et d'aller voir selon la sienne. Combien de conflits seraient évités si nous acceptions ce "déplacement" de la pensée, ou, si je le reformule avec mes propres mots, ce changement de référentiel ?

  

En savoir plus sur la CNV

Replay : "Communiquer : se relier à soi, se relier à l'autre"

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"Le saviez-vous ?" - Aldo Novarese

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Aldo Novarese travaillant sur le caractère "Oscar" (Source : indexgrafik.fr)


Aldo Novarese (1920-1995), originaire de Pontestura dans le Piémont, est sans doute le typographe italien le plus prolifique du XXe siècle.

Il s’initie très tôt aux techniques de la gravure sur bois et sur cuivre ainsi qu’à la lithographie. C’est en 1931, alors âgé de 11 ans seulement qu’il entre à la Scuola Arteri Stampatori, où il restera deux ans. Il part ensuite à Turin où il intègre la Scuola Tipografica Giuseppe Vigliandi Paravia, de 1933 à 1936 ; il y apprend le dessin de caractères, ce qui lui permet de se faire engager comme typographe à la fonderie "Nebiolo" de Turin en 1936, alors qu’il n’a que 16 ans. Il reçoit deux ans plus tard la médaille d’or du concours national des jeunes artistes italiens, mais ses convictions l’amènent à rejoindre le maquis pour combattre les fascistes en 1943, mettant sa carrière entre parenthèses.

Il retourne à la fonderie Nebiolo à l’issue de la guerre et, parallèlement à ses activités de dessinateur de caractères, il retourne en 1948 à la Scuola Tipografica Giuseppe Vigliandi Paravia de Turin, d’où il est lui-même sorti quelques années auparavant, en tant que professeur de design graphique. Il succède à Alessandro Butti à la direction artistique de la fonderie Nebiolo en 1952 où il restera vingt ans. Parmi ses caractères les plus connus et utilisés, citons Oscar, Stop ou encore Nadianne.

Ses créations sont très différentes les unes des autres mais elles vieillissent mal et finissent par disparaître avec les changements de mode. Résultat : des centaines de caractères dessinés par le prolifique Aldo Novarese, quelques dizaines seulement ont été numérisés ; mais parmi eux, deux en particulier méritent l’attention :  ITC Novarese (1978) et Eurogamma (1952), qui deviendra plus tard Eurostile (1962).


   Aldo Novarese  Eurostile typo specimen fonderie Nebiolo

 


Couvert de récompenses (Prix du Concours du Progresso Grafico en 1949, Médaille d'Or Mario Gromo en 1965, prix ITC en 1966, Compasso de Oro en 1979…), il rédige deux ouvrages de typographie ("Alpha Beta" et "Il signo alfabetico"), cesse d’enseigner en 1957 et quitte la fonderie Nebiolo en 1975 pour devenir graphiste et typographe indépendant. Il travaillera pour Linotype, ITC, Berthold ou encore Agfatype, pour qui il dessinera son dernier caractère, le Central, en 1995. Il décède le 16 septembre de la même année à Turin.

 

Source : indexgrafik.fr

 

 Swarovski logo 1988

 

L'ancien logo de la marque Swarowski, de 1988 à 2016,

était exécuté dans la police d'écriture serif transitionnelle ITC Novarese Medium

Source : logos-marques.com

 

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Côte à côte (7)

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Côte à côte (7)

 

Les bretelles du sac me scient les épaules, et je commence à avoir des crampes aux mollets, mais je dois encore avaler quelques kilomètres avant de trouver un hébergement hors de la ville. Sur ma droite, la mer et son extraordinaire camaïeu de bleus. Sur ma gauche, une enfilade de plages, presque toutes identiques : des parasols à la verticale, des transats à l’horizontale… repère orthonormé basique du tourisme de masse. Des hommes et des ombrelles à la perpendiculaire, seule change la couleur du mobilier de plage, jaune ici, bleu là.

Peut-on vraiment passer ses vacances ainsi, avoir plaisir à se faire griller du matin au soir comme une tranche de lard, un côté, puis l’autre, de nouveau le premier côté, puis l’autre… ? Sans compter qu’à évaluer la couleur de certaines tranches, elles auront bientôt rendez-vous avec le dermatologue et/ou le chirurgien. Se faire rôtir comme un cochon à la broche pendant son unique congé annuel, alors qu’il y a tant de cultures à découvrir, tant d’architectures fascinantes, tant de merveilles à voir partout à la surface de la planète ?

Je dois être trop jeune pour comprendre. Quand j’aurai un déambulateur (même si j’espère ne jamais en avoir besoin…), je serai peut-être content de pouvoir encore profiter du soleil et du vent marin, allongé sur un transat, plutôt qu’enfermé dans une maison de retraite ou une chambre d’hôpital. Je ne juge personne. C’est seulement que ça ne m’attire pas, mais alors pas du tout… Je ne réussis même pas à m’imaginer passer ainsi mon temps. Avec les enfants, même tout petits, on a toujours voyagé, on s’adaptait, on trouvait important qu’ils découvrent le monde, eux aussi.

J’ai commencé à marcher l’année de ma retraite. Pour ne pas m’ennuyer. Pour ne pas déprimer. Pour conserver la forme. Pour faire le point… Je suis parti trois mois, sac au dos, tout seul, sur le chemin de Compostelle. Une aventure qui m’a transformé à vie. Le rythme, la lenteur, les paysages, les rencontres… le face à face avec soi-même, avec les éléments… s’en remettre à la providence pour trouver un gîte, un couvert. Apprendre, réapprendre l’abandon et la confiance, après un demi-siècle passé à servir le monde de la programmation et du contrôle. Enfin, de l’illusion de contrôle, parce qu’à bien y réfléchir, on ne contrôle pas grand-chose, plus on avance en âge, plus on le sait…

Compostelle m’a surtout réappris la liberté. Une saveur totalement oubliée dont je ne pourrais plus me passer. Quand j’ai eu atteint Compostelle, je suis reparti. Il existe plusieurs voies, chacune traversant une partie différente de l’Europe, jusqu’à ce point de convergence. Chaque fois, d’autres décors, d’autres cultures, d’autres rencontres… Ca m’a occupé plusieurs années. Je ne pouvais plus décrocher. Quand j’ai eu l’impression d’avoir fait le tour de Compostelle, même si on n’en fait jamais le tour, je suis parti sur le chemin de Rome, puis sur le Tóchar Phádraig en Irlande, le Franziskusweg-Krk en Croatie… Ensuite, je me suis aventuré plus loin, sur le Caminho da Fé au Brésil, le Chemin de l’Inca au Pérou… J’aurais pu aller vers Jérusalem, mais je ne cherchais pas forcément des itinéraires religieux, plutôt des parcours imprégnés d’histoire et de culture : je suis curieux par nature, aller à la rencontre des hommes, au présent ou dans le passé, me passionne.

Pour mon prochain périple, j’ai envie de marcher sur la route de la soie. Partir peut-être de Venise, visiter Samarcande, pousser jusqu’à la Chine ?… La remonter en sens inverse, comme je remonterais le fil du temps. Comme si, à travers l’Histoire, je remontais la mienne, vers une nouvelle naissance.

 

                                                                                                                                       Lire les autres "Côte à côte"

 

Côte à côte (6)

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Côte à côte (6)

 

« Ma côte d’agneau n’est pas cuite ! C’est un scandale ! »

Le serveur a rappliqué aussitôt, pire que si on l’avait menacé de lapidation imminente. Il brassait l’air comme un ventilateur, tentant probablement de calmer le client. Celui-ci ne voulait rien entendre, il continuait à vociférer :

« Si elle était correctement cuite, l’os devrait se retirer de la viande sans difficulté ! Un os de côte d’agneau, c’est comme ta queue dans une femme, ça doit entrer et sortir tout seul ! »

Le serveur était plus rouge que la côte mal cuite. Il avait affaire à un raffiné. J’étais un peu trop loin pour l'assurer, mais je crois qu’il commençait à transpirer.

Le client continuait à secouer vigoureusement la côte en signe de protestation, pour bien montrer que ça ne sortait pas. S’il faisait pareil avec les femmes, mieux valait pour elles ne pas toucher à l’os de son caleçon.

Décidé à sauver sa peau, le serveur écarlate jouait sa dernière carte : il pointait du doigt en direction des cuisines (pour accuser le cuisinier ? proposer de recuire la côte ? expliquer que c’est dans la souris d’agneau que l’os doit se détacher, pas les côtelettes ? Ou appeler des renforts pour embrocher le récalcitrant et le passer au grill avec sa viande ? …). Le gars n’a même pas attendu. Il est sorti du restaurant en claquant la porte, laissant son assiette intouchée sur la table. Le fumet de la côte fumante parvenait jusqu’à moi et me faisait saliver, même avec la porte fermée. J’étais posté près d’un transat jaune et ne perdais rien de la scène à travers la baie vitrée du restaurant.

En principe, je n’avais pas le droit de me tenir là, mais le personnel de l’hôtel était occupé par le service du déjeuner et personne ne prêtait attention à moi, ni les clients, ni les employés. Je tenais peut-être une aubaine. Si j’avais de la chance… si j’avais de la chance, ils jetteraient la côte d’agneau encore toute chaude et gorgée de jus de viande à la poubelle, dans l’arrière-cour du restaurant, et si je réussissais à me faufiler discrètement jusque-là, je mangerais à ma faim aujourd’hui, mieux que des reliquats avariés et souillés, mieux que des ordures à trier, mieux que des restes déjà rongés par d’autres, un succulent festin oui, un vrai menu de roi qui ferait disparaître un peu les miennes, visibles sous ma peau, de côtes. Parce que quand on vit dans la rue, on ne mange pas tous les jours à sa faim, encore moins propre, et encore moins choisi. C’est la rue qui décide du menu, pas toi.

Je me suis mis en marche vers l’arrière-cour, je connaissais bien le chemin, je me ravitaillais souvent là-bas, de nuit, quand je pouvais fouiller les poubelles tranquille. Evidemment, je n’étais pas le seul, il fallait partager avec les autres, défendre son bifteck, enfin, ses épluchures… Mais là, en plein midi, je serais seul, j’aurais tout pour moi, saignant, charnu, odorant, presque tombé du ciel directement dans la gueule… c’était mon jour de chance, nom d’un chien ! La truffe au vent, j’ai trottiné de toute la vitesse de mes quatre pattes vers l’objet de mon désir. Je n’avais pas encore trouvé la belle, mais je ne me sentais déjà plus rien d'un clochard.

 

 

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